Le tribunal administratif s’est penché mercredi sur un recours déposé par une trentaine de victimes des attentats du 13 novembre 2015, concernant des « défaillances » de l’État, notamment sur la détection des jihadistes et l’intervention des soldats Sentinelle au Bataclan.
« Le 13-Novembre n’était pas une fatalité », a affirmé d’emblée Me Samia Maktouf, avocate de victimes et familles des victimes des attentats qui ont fait au total 130 morts et des centaines de blessés. Elle a évoqué tour à tour le travail de renseignement mené par les services français, les nombreuses fiches S (pour sûreté de l’État) établies à l’égard des assaillants des attaques sanglantes : « tout était connu, le degré de dangerosité était perçu », l’État n’ayant pas, selon elle, « tiré les conséquences des attentats précédents », comme ceux perpétrés par Mohamed Merah en 2012 qui avaient fait sept morts.
Me Maktouf a énuméré les « dysfonctionnements liés au défaut de surveillance et de vigilance des services de sécurité de l’État français », et la circulation des jihadistes au sein de l’espace Schengen. « J’ai regretté que le ministère de l’Intérieur s’exonère de toute faute en en appelant à la taqiya, technique de dissimulation effectivement prônée par les groupes jihadistes ». Enfin, elle a reproché la non-intervention des soldats de l’opération Sentinelle, qui ont reçu « instruction de ne pas pénétrer dans une salle où une scène de guerre se déroulait ».
La loi respectée
La représentante du ministère de l’Intérieur a, elle, estimé qu’il s’agissait d’une « confusion » : « Il y a des lois. Le militaire ne peut pas intervenir sur le sol français pour des actes de maintien de l’ordre, il n’est autorisé qu’à faire des opérations de surveillance. Comment pourrait-il y avoir une faute d’avoir respecté la loi ? » Pour le rapporteur public, il s’agissait de savoir s’il y avait « une perte de chance d’échapper aux attentats due à une faute de l’État ».
Ce dernier a considéré qu’il n’y avait pas eu faute, ni sur la non-intervention du GIGN ou des soldats Sentinelle, « notamment en raison des problèmes de coordination », ni sur un défaut de contrôle des frontières, ni sur un « ciblage » raté concernant les menaces qui pesaient sur le Bataclan. Depuis trois ans, certaines victimes et familles de victimes s’indignent que des militaires de Sentinelle, une force créée après les attentats de janvier 2015, présents près de la salle où 90 personnes ont été tuées, n’aient pas eu le droit d’intervenir. Une plainte au pénal a d’ailleurs été déposée le 8 juin pour « non-assistance à personne en péril ». Le tribunal administratif rendra sa décision le 18 juillet.
Le Quotidien/AFP