« Cela se reproduira, c’est certain, mais on ne peut pas savoir quand, ni dans quel pays », affirme au Quotidien Gérald Arboit, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), après l’équipée sanglante de ces derniers jours.
Le rôle des sites internet et des réseaux sociaux serait central dans le basculement vers le terrorisme, selon l’expert Gérald Arboit. (Photo : DR)
Par cette assertion, le chercheur français ne veut pourtant pas verser dans l’anxiogène, mais expliquer la logique des terroristes qui ont sévi ces derniers jours en région parisienne. Il juge que cette forme de terrorisme est avant tout le fruit d’un « sous-développement intellectuel », pointant la misère sociale « de jeunes paumés » dans un monde dominé par la consommation. « On est désarmé car on n’a pas éduqué ces jeunes. »
Il dit que cette forme de violence est sans rapport avec l’islam, constatant que « ces jeunes sont incapables d’expliquer le lien entre ce qu’ils font et la religion musulmane ». « Il n’y a pas plus de relation entre ces attentats et l’islam qu’il n’y a de rapport entre le porno sur internet et l’amour », lâche-t-il. Une affirmation qui, sous ses airs provocateurs, pointe une réalité que Gérald Arboit nomme « l’islam 2.0… Qui n’est pas l’islam. » Le rôle des sites internet et des réseaux sociaux serait central dans le basculement vers le terrorisme, tout comme l’est la rencontre avec des relais locaux de groupes comme Al-Qaïda qui les enrôlent avec « des promesses souvent très matérielles ».
Revenant sur les événements de cette semaine, il note la contradiction entre ce qui a paru très professionnel dans l’attaque contre Charlie, comme le maniement des armes, et ce qui relevait du pur amateurisme en oubliant une carte d’identité dans un véhicule. « Ce n’est pas une structure qui prend ses ordres d’en haut, mais d’un réseau qui s’appuie sur une famille », poursuit le directeur de recherche. Un mode opératoire ardu à repérer, selon lui.
> « Le risque zéro n’existe pas »
Le spécialiste juge que les services de renseignement ne sont pas en cause, « au contraire, puisqu’il ne leur aura fallu que quelques heures pour identifier les suspects (…) Il y a en France 70 individus qui pourraient passer à l’action. Mais il est difficile de les suivre étroitement, car la surveillance d’une seule personne nécessite la mobilisation de 25 agents pour une mission au résultat incertain », explique-t-il.
Faut-il, dès lors, se doter d’un arsenal législatif spécifique pour les neutraliser ? Gérald Arboit ne le croit pas : « Dans une démocratie, on ne peut pas condamner ou arrêter quelqu’un pour ses idées ou quelque chose qu’il n’a pas fait. Et en matière de sécurité, le risque zéro n’existe pas. Mais dans notre société, il faut toujours un coupable, donc c’est la faute aux Services. Ce qui s’est passé va probablement bénéficier au Front national dans les sondages, mais il est parfaitement incapable d’empêcher ce genre d’attentats. »
De notre rédacteur en chef Fabien Grasser