Quel que soit le résultat de la présidentielle, le Front national et Marine Le Pen devront affronter leurs dossiers judiciaires : dans l’affaire des assistants d’eurodéputés soupçonnés d’emplois fictifs pour financer le parti, le Parlement européen estime désormais son préjudice potentiel à cinq millions d’euros.
La candidate à la présidentielle, qualifiée au second tour face à Emmanuel Macron, répète volontiers qu’elle est « en guerre » contre cette Union européenne. Mais le Parlement européen, où le FN avait envoyé le plus important contingent français en 2014, avec 24 élus, ne semble pas rester les bras croisés.
Via son avocat en France, Patrick Maisonneuve, ses services ont transmis cette semaine aux juges financiers à Paris une réévaluation du préjudice potentiel pour les salaires qui auraient été versés frauduleusement aux assistants de d’eurodéputés frontistes.
Dix-sept élus sont visés – parfois pour plusieurs assistants – dont Marine et Jean-Marie Le Pen, Louis Aliot ou Florian Philippot, et le préjudice s’élèverait désormais à 4,978.122 euros pour la période du 1er avril 2012 au 1er avril 2017, contre 1,9 million d’euros lors d’une évaluation de 2015.
Pour ce calcul, les services du Parlement, qui s’appuyent sur l’enquête en cours et les rapports du gendarme antifraude de l’UE, l’Olaf, ont additionné les cas où les soupçons lui apparaissaient suffisants. L’enquête judiciaire en France devra les confirmer.
« Cinq millions d’euros, c’est n’importe quoi », a réagi le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, tout en déplorant une « énième violation du secret de l’instruction ».
Le Parlement a déjà lancé des procédures de recouvrement pour un total de 1,1 million d’euros concernant six eurodéputés, dont Marine Le Pen (340.000 euros), procédures contestées en justice par les élus FN.
Les juges français cherchent à déterminer si le parti d’extrême droite a mis en place un système pour rémunérer ses permanents ou des cadres avec des fonds publics européens, en les faisant rémunérer comme assistants de ses eurodéputés.
Ils ont demandé au Parlement européen de lever l’immunité de Marine Le Pen, qui a refusé de se rendre à une convocation en vue de sa possible mise en examen pour abus de confiance le 10 mars, au sujet des salaires versés à sa chef de cabinet au FN, Catherine Griset, elle-même mise en examen pour recel. Dans le cas où elle serait élue présidente de la République, Marine Le Pen bénéficierait d’une immunité totale et ne pourrait plus être entendue ou poursuivie jusqu’à la fin de son mandat, même si l’enquête se poursuivrait s’agissant des autres élus frontistes.
Les enquêteurs ont accumulé des indices. Par exemple le cas de cet assistant mis en examen, Charles Hourcade, employé comme graphiste au FN, et dont l’expertise du matériel informatique lors des investigations n’a fait ressortir qu’un échange de courriel avec sa députée européenne pendant la durée de son contrat, entre septembre 2014 et mars 2015. Ou Catherine Griset, dont le statut d' »assistante accréditée » aurait imposé une présence permanente à Bruxelles, mais qui « badgeait » presque chaque jour au siège du parti, à Nanterre, en 2015, d’après les éléments saisis par les policiers de l’office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff).
En perquisition, les enquêteurs ont aussi saisi des notes du trésorier faisant état d' »économies » à venir grâce au Parlement européen. Wallerand de Saint-Just a expliqué qu’il s’agissait d’économies dues aux députés élus, non à leurs assistants.
« Nous contestons toute irrégularité », a-t-il répété jeudi à l’AFP. « Personne ne conteste que nos assistants ont travaillé, il y a simplement une discussion sur la nature de leur travail », a-t-il argumenté.
Ce dossier judiciaire n’est pas le seul que le FN aura à affronter après les échéances électorales. Le parti en tant que personne morale, deux de ses cadres et des proches de Marine Le Pen attendent aussi leur procès dans l’affaire des kits de campagne aux législatives et à la présidentielle de 2012, où la justice soupçonne un système de surfacturations au préjudice de l’Etat, qui rembourse les frais électoraux avec de l’argent public. Deux autres enquêtes similaires sont ouvertes sur les campagnes successives.
Le Quotidien / AFP