Le procès Heaulme est entré lundi dans sa dernière semaine. Il y a eu quelques mots, les plus clairs que l’on ait entendus de la bouche de l’accusé depuis le début.
Le procès de Francis Heaulme pour le meurtre de deux enfants en 1986 a connu lundi un de ses rares moments d’émotion quand l’avocate de la mère d’une victime a réussi là où la cour avait jusqu’alors échoué: lui tirer quelques mots.
Puis de tisser pas à pas un lien entre sa cliente et l’accusé qui n’a, dit-il lui-même, « jamais fait le deuil » de sa mère, morte en 1984 d’un cancer. Quelques semaines à peine avant qu’il ne commence à tuer.
« Vous l’avez entendue Mme Beining vendredi? », poursuit d’une voix douce M e Boh-Petit, « vous avez entendu comme elle pleurait? » en témoignant, en racontant la courte vie de son fils, puis le jour de sa mort.
« Oui », répond Heaulme, face à la cour. « Et vous avez pensé quoi? »
– « Elle a pas fait son deuil. »
Puis l’avocate, allant chercher chez Heaulme ce que le président de la cour n’est pas parvenu à avoir depuis le 25 avril – un mot qui ne soit pas simplement une dénégation du crime – lui demande si ces larmes l’ont touché.
« Oui, beaucoup. J’ai de l’estime pour Mme Beining, et je lui dirai .»
– « Vous pouvez lui dire maintenant », tente M e Boh-Petit, qui a compris à quel point la parole de Heaulme était fragile, habituellement murée derrière un silence total.
– « Madame Beining, je suis franc, je n’ai pas touché votre fils. Ni le petit Alexandre. »
Heaulme s’est retourné. Face à cette petite dame blonde, dont la ténacité force l’admiration depuis des années, le « routard du crime » offre son visage si connu aux bancs du public. Et quitte, pour la première fois, l’impassibilité dans laquelle il est retranché, derrière la vitre de son box, depuis trois semaines.
« Madame Beining, elle est là tous les jours, vous avez vu? Elle vient ici pour quelque chose de très particulier , reprend l’avocate. Elle voudrait savoir si c’est Cyril qui est mort le premier. »
– « J’en sais rien. »
Une des trois phrases que, depuis le premier jour, Francis Heaulme répète en boucle : « J’en sais rien.» «Montigny, c’est pas moi. » « Me rappelle pas. »
«Vous réfléchirez, monsieur Heaulme?»
À un enquêteur, en 2006, Heaulme a affirmé être monté sur le talus ce dimanche ensoleillé de septembre 1986. Mais pour poursuivre un homme qui y aurait fait « une connerie », puis, après avoir vu les corps des enfants, en avoir retourné un, et être reparti.
« Donc on se dit « Il va nous dire ce qu’il a vu » », poursuit patiemment Me Boh-Petit.
« Je vais quand même pas inventer », répond Heaulme, affirmant que les gendarmes lui ont mis « la pression » pour qu’il dise quelque chose.
De sa voix douce, Me Boh-Petit reprend, alors que sa cliente verse ses larmes.
« Il n’y a plus que vous maintenant. Parce que dans deux jours, Mme Beining, elle va au cimetière. Entretenir la tombe, les fleurs … Elle veut savoir des choses simples. »
– « Non, je sais rien. »
– « Mais M. Heaulme… si c’est pas vous c’est forcément quelqu’un d’autre? »
– « Moi quand je suis passé a 16 h 45, y avait deux vélos, c’est tout. »
– « Et deux enfants alors? Si y a deux vélos y a deux enfants? »
– « Mais je suis pas monté sur le talus. »
Quelques mots encore, les plus clairs que l’on ait entendus de la bouche de l’accusé depuis le début du procès, puis le silence, encore.
« Vous réfléchirez monsieur Heaulme? Il y a encore demain », conclut M e Boh-Petit.
Aujourd’hui les plaidoiries des parties civiles, les réquisitions, ensuite les plaidoiries de la défense puis jeudi, le verdict.
Le Républicain lorrain