Le groupe, qui sort à peine du rouge sur le plan financier, n’entend pas laisser la problématique énergétique en Europe plomber ses résultats.
Alex Nick, nouveau responsable d’ArcelorMittal pour le Luxembourg, souhaite recentrer l’activité du groupe sur les secteurs les plus rentables. (Photo : Fabrizio Pizzolante)
Si les résultats définitifs pour l’année 2014 ne sont pas encore connus pour ArcelorMittal, les derniers chiffres de septembre montrent que le groupe est quasiment revenu à l’équilibre. La situation n’en demeure pas moins délicate alors que la croissance mondiale devrait être peu vigoureuse en 2015 et très faible en Europe. Or le Vieux Continent représente 40 % des ventes du groupe et est également la seule zone qui n’a pas retrouvé ses niveaux de performance d’avant crise, en 2007.
Mais ce qui met le plus sous pression le groupe, selon Alex Nick, membre du comité de direction, c’est, de loin, les mesures de plus en plus restrictives en matière d’émissions de CO2 que l’Union européenne entend appliquer aux industriels. « Même l’usine la plus moderne au monde ne peut pas répondre aux exigences européennes », a-t-il critiqué, ajoutant que malgré ses efforts, ArcelorMittal manque déjà de quotas d’émission, qui sont appelés dans le futur à se réduire et à se renchérir. Le groupe, qui souligne pourtant le fait que l’acier, qui se recycle à l’infini et est essentiel pour le développement d’énergies vertes comme les éoliennes, se dit très impliqué pour limiter le changement climatique, mais limité par les technologies actuelles.
« Le groupe revient tout juste à l’équilibre, or les exigences européennes pourraient nous coûter deux milliards de dollars par an. C’est trop sachant que ces exigences n’existent pas dans d’autres régions du monde », a souligné Alex Nick, estimant qu’à terme, ces pressions pourraient pousser des groupes à se délocaliser, sans toutefois préciser s’il s’agit là d’une réelle menace du groupe ArcelorMittal.
Pour illustrer son propos, il a alors donné quelques chiffres concernant le Luxembourg. Ainsi, le coût de l’électricité sur le site de Belval revient au groupe 88 % plus cher qu’en Amérique du Nord et la facture de gaz naturel – toujours à Belval – est 3,6 fois plus élevée.
> Des bases solides au Luxembourg
« Nous exportons la plupart de notre production au Luxembourg. Dans ces conditions, il viendra peut-être un moment où ne pourrons plus exporter de manière compétitive et devrons envisager une autre solution », reprend Alex Nick, sans détour.
Pour autant, le groupe n’est pas en train de reconsidérer sa présence au Luxembourg. Même s’il a signé en 2014 un accord avec la Caisse d’épargne pour la vente de son bâtiment historique, le groupe a confirmé hier, par la voix de Michel Wurth, désormais président du conseil d’administration d’ArcelorMittal Luxembourg, que le sidérurgiste est bien à la recherche d’un site pour construire son nouveau siège luxembourgeois où il entend regrouper 1 200 personnes.
D’ailleurs, les différents sites de production du groupe au Luxembourg ont plutôt réalisé de bonnes performances en 2014 avec 2,1 millions de tonnes d’acier expédiés, un pic depuis l’arrêt du site de Schifflange. Après avoir investi 30 millions d’euros en 2014 pour moderniser le site de Belval, le groupe entend investir encore 35 millions d’euros pour de nouvelles modernisations, a signalé ArcelorMittal, entendant ainsi faire comprendre qu’il respecte les investissements qu’il s’est engagé à faire auprès du gouvernement. Le groupe ne semble d’ailleurs pas regretter l’argent dépensé, qui a permis à Belval d’atteindre des records de production en 2014.
Par ailleurs, ArcelorMittal s’est dit enthousiasmé par le nouveau virage que prend le site de Rodange, qui se réoriente vers la production de rails de tramway et qui, en attendant le projet luxembourgeois, a déjà trouvé des clients, notamment en Bulgarie. Le site de Dudelange et ses aciers innovants pour automobiles, tout comme celui de Bissen, qui réalise de bons résultats avec des fils pour la viticulture, ont aussi un bel avenir devant eux.
La situation est en revanche beaucoup plus délicate pour le site de Bettembourg qui s’était spécialisé dans des éléments pour panneaux solaires, un marché aujourd’hui bouché en Europe alors que la fabrication s’est largement délocalisée en Chine. Le groupe ne se prononce actuellement pas sur le sort du site, qui emploie cinquante personnes, tout en laissant entendre que cela ne sera pas un problème de reclasser éventuellement ces personnes sur d’autres sites porteurs au Grand-Duché.
> Après Schifflange, Bettembourg menacé
ArcelorMittal se refuse aussi toujours à acter la fermeture définitive du site de Schifflange. Le groupe se contente de souligner que pour les aciers traditionnels, il y a toujours une situation de surcapacité en Europe et que le site reste pour l’instant en arrêt prolongé.
Pour atténuer les craintes, le groupe a aussi tenu à rappeler que sa cellule de reclassement fonctionne bien et que les 270 employés qui s’y trouvent encore sont prioritaires dès qu’un emploi se libère. La situation n’est donc pas si mauvaise dans le pays, puisque le groupe compte même relancer des recrutements externes.
Pour pérenniser l’activité, ArcelorMittal doit continuer à maîtriser les coûts, tout en misant sur la recherche et le développement pour créer des produits innovants. Le groupe aimerait maintenant trouver une solution globale pour l’Europe, qui demeure un de ses marchés clés.
De notre journaliste Delphine Dard