Le gouvernement français a lancé en toute discrétion un appel d’offres pour le démantèlement des portiques de l’écotaxe, une décision qui semble signer l’enterrement définitif de ces coûteux équipements, bien que le ministère de l’Écologie s’en défende.
Le ministère, également en charge des Transports, a lancé le 28 février un appel d’offres « relatif à la dépose, au transport et au stockage des dispositifs mis en place dans le cadre du projet écotaxe », notamment les « structures porteuses de type portique », selon un avis publié au bulletin officiel et relevé mercredi par Europe 1. Le marché, d’une durée de 24 mois, porte aussi sur les 718 000 boitiers dont devaient être équipés les poids-lourds, les caméras placées sur les portiques, les armoires, balises, panneaux de signalisation et le centre informatique. L’appel d’offres expire le 30 avril à midi, et mentionne aussi des « travaux de remise en état » des sites, ainsi que le stockage et la « destruction de certains équipements ».
Après l’abandon de l’écotaxe en octobre dernier, le gouvernement avait signé en décembre un accord sur le dédommagement du consortium franco-italien Ecomouv’, qui avait été chargé de collecter cet impôt écologique.
Au moment de la conclusion de cet accord, qui prévoit un versement total par l’État d’environ 800 millions d’euros au consortium, le gouvernement avait indiqué étudier la possibilité de réaffecter le matériel installé sur le réseau routier français. « Pour pouvoir mettre en œuvre des solutions alternatives, il fallait qu’on organise la mise sous cocon, c’est à dire la protection des biens pour pouvoir les réutiliser, soit avec d’autres services publics soit avec d’autres opérateurs, justifie-t-on au ministère. Une mission est en cours pour examiner ces utilisations alternatives, et le marché fait partie de ce processus. »
Démantèlement à 1,6 million
Reste qu’une telle démarche pourrait signer l’enterrement des portiques. Il s’agit en tous les cas d’une nouvelle dépense qui vient s’ajouter à la facture déjà salée de ce dossier. Selon Europe 1, qui cite « une source bien informée », « le démontage pourrait coûter jusqu’à 10 000 euros » par portique, soit, si le gouvernement décide de tous les démonter, un total de 1,6 million d’euros, sans compter les travaux de remise en état.
Au ministère, on refuse de commenter ces chiffres tant que la procédure de l’appel d’offres est en cours, mais on précise qu’il concerne un « marché à bons de commande », c’est à dire avec un montant maximum. In fine, « le coût dépendra du nombre effectif des portiques démontés », précise cette source, qui tient à rappeler que « la décision prise par le gouvernement visait à éviter que dans le futur le dispositif de collecte de l’écotaxe soit très coûteux pour les contribuables ».
En outre, début avril, le gouvernement avait négocié 500 millions d’euros d’investissements supplémentaires de la part des sociétés d’autoroutes dans les infrastructures et les projets de transports, de quoi compenser en partie l’abandon de l’écotaxe. L’ancien ministre des Transports UMP, Dominique Bussereau, a réagi sur Twitter mercredi, jugeant que « le scandale s’accroît » et évoquant une « perte de recettes » pour le transport public et les infrastructures, ainsi qu’un « coût abyssal de dédommagement d’Ecomouv » et du « démontage ». « Face à ce scandale tout citoyen peut porter plainte contre les ministres responsables pour concussion » (mauvais usage des deniers publics), a aussi twitté le député.
La taxe sur les poids lourds était l’une des mesures phares du Grenelle de l’Environnement du quinquennat Sarkozy. Après plusieurs reports, une suspension et une renaissance sous un nouveau périmètre, elle a été finalement abandonnée en octobre dernier par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal en raison notamment d’une forte opposition des transporteurs routiers et des « bonnets rouges » en Bretagne.
Ces derniers mois, plusieurs pistes avaient été évoquées pour recycler les équipements devenus inutiles. Le gouvernement avait discuté avec la gendarmerie mais la ministre de l’Écologie Ségolène Royal avait exclu que les portiques puissent devenir des radars. La maire de Paris, Anne Hidalgo, avait évoqué une possible utilisation des quatre portiques installés sur le périphérique parisien dans le cadre de son plan anti-diesel à l’horizon 2020, et certaines régions frontalières qui connaissent un important trafic de poids lourds étrangers, comme l’Alsace et la Lorraine, avaient émis le souhait de pouvoir expérimenter le principe de l’écotaxe.
AFP