Manuel Valls est monté en première ligne mardi sur le dossier Air France, apportant son soutien à la direction au lendemain des violences contre des dirigeants, suscitées par un projet de restructuration menaçant 3 000 postes.
Le Premier ministre Manuel Valls, qui s’est rendu en fin de matinée au siège d’Air France, à Roissy, pour rencontrer la direction et des représentants de salariés a dénoncé des agissements « de voyous ». De son côté, François Hollande, qui n’avait pas encore réagi, a condamné plus tôt des violences « inacceptables » qui peuvent avoir des « conséquences sur l’image, sur l’attractivité » de la France.
Le chef de l’Etat a appelé « un dialogue responsable avec un patronat qui prend les décisions qui sont attendues et des responsables syndicaux qui jouent la carte, la seule possible, celle du compromis et de la négociation ».
Plusieurs centaines de salariés ont fait irruption lundi en comité central d’entreprise (CCE), et deux dirigeants ont été physiquement molestés. L’image du DRH Xavier Broseta, escaladant torse nu une barrière pour échapper à ses poursuivants, a fait le tour du monde. « Ces images font mal à notre pays », a estimé le Premier ministre.
Le parquet de Bobigny a ouvert une enquête après une plainte déposée par la compagnie. Selon la direction, cinq cadres de l’entreprise, dont Xavier Broseta, ont aussi décidé de porter plainte. L’émotion à peine retombée, la compagnie va devoir vite trouver des solutions pour panser ses plaies et sortir de la crise.
Le PDG du groupe Air France-KLM, Alexandre de Juniac, se montrait dès lundi soir « disponible à tout moment pour reprendre les négociations » avec les syndicats, pour favoriser « la mise en oeuvre la plus efficace et constructive (du) redressement » de la compagnie tricolore.
« L’œuvre de voyous »
« Rien ne peut justifier de tels agissements. Ces agissement sont l’œuvre de voyous. La justice devra identifier ceux qui se sont livrés à cette violence inqualifiable. La violence est inadmissible dans notre société. Elle doit être condamnée et il faudra des sanctions lourdes à l’égard de ceux qui se sont livrés à de tels actes », a affirmé le Premier ministre Manuel Valls, mardi, depuis le siège social de la compagnie à Roissy. « Quand on s’attaque physiquement à des hommes, qu’on cherche à les humilier, avec une foule, ça n’a rien à voir avec la difficulté que connaît une entreprise », a encore dit Manuel Valls, venu témoigné son « soutien », sa « solidarité » et son « affection » envers des personnes victimes de ces violences.
Manuel Valls a estimé que les images des dirigeants d’Air France agressés « font mal à notre pays » car elles « jouent sur l’image d’Air France et de la France ». « Chacun comprend bien que ces images d’hier ont fait le tour du monde, ont non seulement choqué nos compatriotes, soulèvent de légitimes débats, mais jouent sur l’image d’Air France et de la France, comme l’a rappelé le président de la République. Je sais combien la France est appréciée dans le monde. Je reviens tout juste d’un déplacement au Japon. L’image de la France change. Mais je sais aussi qu’une image de ce type, la violence à l’égard d’homme, est exploitée. Je sais aussi que cette image fait mal à notre pays », a déclaré le Premier ministre.
« Le gouvernement, l’Etat, soutient Air France qui a besoin de relever des défis considérables, ceux tout simplement de la concurrence (…) », a encore dit Manuel Valls, en appelant à la « responsabilité des pilotes et du SNPL », le syndicat national des pilotes de ligne, dans la résolution de la crise. « L’Etat assume et assumera ses responsabilités. Mais la solution pour Air France vient d’abord de l’entreprise elle-même », a déclaré le Premier ministre. « Chacun doit prendre ses responsabilités, doit être lucide sur la situation d’Air France. C’est l’avenir de la compagnie qui est en jeu ».
Une médiation de l’État ?
Les conditions d’une reprise du dialogue semblent loin d’être réunies. Le syndicat majoritaire de pilotes SNPL, en conflit avec la direction d’Air France, a mis en avant une nouvelle fois mardi la « parodie de dialogue social » qui a conduit à l’échec des négociations sur de nouvelles mesures de productivité. Faute d’accord, l’entreprise a opté pour un plan de restructuration alternatif au projet de développement initialement prévu. En réduisant sa flotte long-courrier, elle estime à 2 900 postes le sureffectif, principalement au sol. Air France « n’avait qu’un seul plan » dès le départ, « réduire la voilure de la compagnie », a ré-attaqué Philippe Evain, président du SNPL Air France.
Le syndicat reproche à l’État d’être resté « silencieux » ces derniers mois. La majorité des syndicats ont demandé dès lundi soir au gouvernement de s’impliquer, l’invitant à un « engagement fort ». L’intersyndicale réclame du gouvernement « l’engagement d’aider l’entreprise, éventuellement d’investir ou d’établir des règles de concurrence plus loyales » entre les compagnies, développe Christophe Malloggi, secrétaire général de FO. Le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, a exclu mardi que l’Etat joue un rôle plus important que celui que lui confèrent les 17% de capital qu’il détient, via l’Agence des participations de l’Etat. « On n’est pas dans la situation aujourd’hui où la solution serait la nationalisation d’Air France », a-t-il indiqué. « Après les incidents d’hier (lundi), la meilleure des réponses c’est que les acteurs de l’entreprise reprennent le chemin du dialogue », a-t-il dit sur RTL.
Pour une majorité de syndicats, une négociation intercatégorielle peut permettre de sortir de l’impasse. « Pour l’instant, c’est une proposition qui n’est pas très populaire chez les syndicats catégoriels et qui fait peur à Air France », regrette cependant Béatrice Lestic de la CFDT. « Il faut sortir des postures des deux côtés » pour éviter la pleine application du plan de restructuration. Air France prévoit de sortir cinq avions de sa flotte long-courrier en 2016, puis neuf autres en 2017. Il est « hors de question d’aller à cette phase 2 » qui, selon elle, entrainerait plusieurs milliers de suppressions d’emplois supplémentaires. Le dossier pourrait revenir entre les mains de Gilles Gateau, le directeur de cabinet adjoint et conseiller social de Manuel Valls, pressenti pour devenir directeur des ressources humaines d’Air France.
AFP / S.A.