Pascal Fauret, le second pilote impliqué dans l’affaire Air Cocaïne, est à son tour entendu mercredi par les juges d’instruction en charge du dossier à Marseille, au lendemain du long interrogatoire de Bruno Odos placé mardi soir en détention provisoire aux Baumettes.
Ce sont les premières auditions de ces pilotes par les juges d’instruction Christine Saunier-Ruellan, Guillaume Cotelle et Christophe Perruaux, depuis que les deux hommes ont fui la République dominicaine où ils ont été condamnés à vingt ans de prison.
Bruno Odos a été entendu mardi puis placé en détention provisoire. Pascal Fauret, qui comme Bruno Odos clame son innocence, pourrait subir le même sort mercredi.
Les deux pilotes, arrêtés en mars 2013 aux commandes d’un avion où étaient entassées des valises contenant 680 kg de cocaïne, sont visés depuis leur fuite par un mandat d’arrêt international émis par la République dominicaine, mais Paris a écarté l’hypothèse d’une extradition.
A leur retour en France fin octobre, ils «ne s’attendaient pas à susciter (…) une telle haine de la justice, qui à l’air de les considérer comme des brigands», a affirmé leur avocat, Me Jean Reinhart. «Ils n’ont pas ouvert les valises» transportées par dizaines à bord du Falcon 50, ce ne sont pas des protagonistes du trafic de drogue transatlantique sur lequel enquêtent les juges, martèle leur conseil.
A bord de l’appareil qu’ils pilotaient se trouvaient seulement deux autres personnes. Après l’audition de mercredi, les pilotes devraient être confrontés, chez les juges, aux autres protagonistes de l’affaire, a précisé l’avocat.
«Dossier sensible»
Ces éléments viendront nourrir un épais dossier, ouvert début 2013 à Marseille, qui a débuté par un renseignement des gendarmes en décembre 2012 sur le «comportement suspect» de passagers d’un Falcon ayant atterri un mois plus tôt à Saint-Tropez (Var).
La justice soupçonne les pilotes, ainsi que deux autres Français, Nicolas Pisapia et Alain Castany, condamnés comme eux en République dominicaine – mais qui s’y trouvent toujours – d’avoir importé de la cocaïne en France dans les valises chargées dans le jet privé.
Plusieurs vols de cet avion, affrété par une société de location, SN-THS, basée à Bron (Rhône), sont suspects aux yeux de la justice française.
Un douanier en poste à Toulon est également soupçonné de complicité. Un homme d’affaires, Franck Colin, actuellement en détention provisoire à la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône), a reconnu avoir affrété l’avion et les deux patrons de la SN-THS sont également suspectés d’être impliqués.
Outre les enjeux diplomatiques vis-à-vis de Saint-Domingue, le dossier «est devenu extrêmement sensible et peut-être même politique», a déploré Me Reinhart.
Le nom de l’ancien président Nicolas Sarkozy est notamment apparu, de manière incidente dans le dossier, car trois vols avaient été affrétés pour son compte auprès de la même compagnie SN-THS par la société Lov Group de son ami Stéphane Courbit.
Ce volet de l’enquête sur un éventuel abus de biens sociaux a été transféré à Paris, où il est instruit par des juges financiers qui n’ont pas prononcé de mise en examen. Nicolas Sarkozy s’est insurgé que des juges aient pu faire géolocaliser en 2013 son téléphone dans ce cadre, et a appelé mercredi à «réallouer les moyens» utilisés dans ce cadre à surveiller plutôt des «terroristes».
La veille, le Premier ministre Manuel Valls a assuré que le gouvernement n’avait pas été tenu au courant de cette géolocalisation.
Mercredi, le Front national a pris ses distances avec cette affaire : deux personnes, le député européen du parti d’extrême droite Aymeric Chauprade, et son assistant parlementaire ont participé à la fuite, par bateau et par les airs, des deux pilotes.
«Le Front national n’est rien allé faire dans cette galère du tout. Ce sont des personnes, des individus. Aymeric Chauprade l’a fait dans sa vie privée – il est responsable de ses actes», a assuré sur France Info Florian Philippot, l’un des vice-présidents du parti.
AFP/M.R.