Nordahl Lelandais en dira-t-il plus aux juges, lundi, sur la mort de Maëlys ? Les parties civiles en doutent et fustigent depuis le début de l’affaire son attitude, qui ravive le débat – ancien – sur les droits et le rôle de la défense.
« Qu’on ne vienne pas nous dire que le mis en cause œuvre à la manifestation de la vérité », a lancé le 8 mars Me Fabien Rajon, l’avocat des parents de la fillette, reprochant au conseil du suspect, Me Alain Jakubowicz, de l’avoir soutenu dans ses dénégations.
« En mentant à tout le monde, il m’a menti à moi aussi », s’est justifié ce dernier après le revirement de son client et la découverte du corps de l’enfant. Tout en soulignant que ce n’était pas un délit : Nordahl Lelandais avait le droit d’ « exprimer une vérité qui s’est avérée inexacte », a dit Me Jakubowicz.
Une position « inacceptable » face à la douleur des parents, rétorquent les parties civiles, pour qui la famille de Maëlys a été « prise en otage » durant six mois par la défense alors que le dossier aurait dû l’inciter à « coopérer ».
Mais est-ce là son rôle ? « Pas du tout, cela ne ressort d’aucun texte. C’est le devoir du juge de découvrir la vérité; celui de l’avocat est de défendre son client. Ce qui n’empêche pas de l’inciter à avouer quand les preuves sont là », répond à Me François Saint-Pierre, pénaliste lyonnais.
Le mot « vérité » ne figure ni dans le décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de l’avocat, ni dans le règlement intérieur national de la profession, pas plus que dans le serment prêté par ses membres.
Et les pénalistes « disent tous qu’elle n’est pas leur souci premier », constate Edwige Rude-Antoine, directrice de recherche au CNRS, qui a suivi de nombreuses robes noires dans les prétoires de l’Hexagone, plusieurs années durant.
« Pas rare que l’on se déchaîne »
Beaucoup d’entre eux estiment qu’il vaut même mieux « avoir un doute sur la culpabilité », souligne cette juriste : pour bâtir sa défense, l’avocat s’interroge sur « la crédibilité de la parole de son client » par rapport aux éléments du dossier, à charge et à décharge; il est « à la recherche du vraisemblable » et « libre de discuter les preuves adverses » – une « carte » que la défense ne pouvait pas « jouer » dans l’affaire Maëlys, aux yeux de l’avocat des parents.
« Cela ne vous regarde pas », a ainsi répondu Me Jakubowicz à des journalistes qui lui demandaient, tandis qu’il ferraillait contre l’accusation, s’il était convaincu de l’innocence de Nordahl Lelandais. « Il n’appartient pas à l’avocat de poser cette question à son client », abonde Me Saint-Pierre.
Depuis les aveux partiels du suspect, le débat s’est déplacé sur le terrain de la morale : les avocats d’auteurs de crimes présumés ne devraient-ils pas encourager leurs clients à avouer, plutôt que de défendre leurs intérêts ?, s’est-on interrogé. Au risque, parfois, de malmener la présomption d’innocence.
Dans un autre dossier très médiatisé, celui de la mort d’Alexia Daval, la procureure de la République à Besançon, Edwige Roux-Morizot, a déploré que ce principe ait été « bafoué chaque jour » au moment de l’interpellation du mari, en martelant que celui-ci avait « le droit de modifier ses déclarations, de les préciser, de les ajuster, et ce tout au long et jusqu’à l’issue de l’information judiciaire ».
« Dans notre démocratie, il semble que l’opinion n’ait pas encore intégré que la défense est un droit essentiel. Il n’est pas rare que l’on se déchaîne contre la personne qui avoue », considère Edwige Rude-Antoine. Pour elle, « les avocats vont devoir rappeler que le procès (intenté par les) médias n’a rien du procès équitable » que la loi prévoit pour tout mis en cause.
Le Quotidien/AFP