Parole à la défense. Quatre jours après le « réquisitoire télévisuel » du procureur de Grenoble, l’avocat du suspect dans l’affaire Maëlys est sorti de son silence avec véhémence, lundi soir, pour contredire formellement l’accusation.
« Chronologie impossible », propos « contraires à la vérité du dossier pénal », « insulte à la justice » : Me Alain Jakubowicz n’a pas mâché ses mots sur BFMTV pour répliquer à la conférence de presse tenue jeudi par Jean-Yves Coquillat. A l’issue d’une journée d’interrogatoire du suspect par les juges d’instruction, le magistrat du parquet avait annoncé la mise en examen pour meurtre de Nordahl Lelandais, un ex-militaire de 34 ans jusque-là soupçonné d’avoir enlevé la fillette de neuf ans lors d’un mariage dans la nuit du 26 au 27 août à Pont-de-Beauvoisin (Isère).
Le procureur, après avoir rappelé le principe de la présomption d’innocence, avait détaillé la chronologie de la soirée durant laquelle Maëlys a disparu, telle que les enquêteurs l’ont établie en recoupant témoignages, expertises téléphoniques et bandes de vidéosurveillance. Mais selon l’avocat du suspect, qui nie les faits depuis le début, cette chronologie est « impossible ». « Toute l’accusation repose sur ce postulat que la petite disparaît à 2h45 », a souligné Me Jakubowicz, alors que le téléphone de son client passe en « mode avion » – indétectable – à 2h46 et qu’une voiture semblable à la sienne est filmée à 2h47 dans les rues de Pont-de-Beauvoisin, avec une silhouette – celle d’une fillette selon le parquet – en passagère. A 3h24, la voiture est filmée en sens inverse, sans passager à bord cette fois, selon l’accusation.
« Insulte à la justice et aux parents »
« Ce n’est pas le dossier, je le dis les yeux dans les yeux », a affirmé l’avocat, outré de voir son client « jeté en pâture » et désigné comme « ennemi numéro 1 » au public. Selon lui, « à 2h45, la petite Maëlys est avec ses grands-parents au mariage », ils lui demandent de rentrer avec eux et elle veut rester, témoignage confirmé par la sœur de la grand-mère qui ajoute qu’à cette heure-là, elle va jouer au football avec la petite Maëlys dans la salle réservée aux enfants ».
« A 3h, il y a une vague de départ d’invités et Maëlys est dans la salle. Maëlys n’a pas disparu. A 3h15, le cousin de la mère de Maëlys quitte le mariage et la croise et lui parle », a poursuivi Me Jakubowicz, qui déplore que « tous ces témoins » soient « passés par perte » par le parquet même s’il concède des « zones d’ombre » dans le dossier. Autre point d’attaque pour l’avocat : la vidéo de la voiture, « qui hante ses nuits » et ne montre pas Maëlys à ses yeux. Il rappelle que la fillette avait les cheveux attachés contrairement à ceux de la « silhouette », que la robe blanche que l’on aperçoit sur le siège passager présente un décolleté « de femme, profond, jusqu’à la naissance de la poitrine et carré », une forme différente de celle de la fillette.
« On veut tous savoir la vérité (…) Je ne suis pas dans la stratégie, une enfant a disparu ! », s’est emporté le ténor lyonnais, vilipendant « une justice rendue sur BFMTV », la chaîne ayant retransmis en direct la conférence de presse du procureur, parmi d’autres médias. « Ce qui s’est produit depuis trois mois, c’est une insulte à la justice, une insulte aux parents de la petite fille », a tonné Me Jakubowicz, ulcéré. « Vous faites passer cet homme pour un monstre », alors que « dans le dossier, il n’y a pas l’ombre d’un soupçon de commencement d’élément qui pourrait, et on a tout fouillé, laisser penser qu’il ait ne fût-ce qu’un penchant pédophile ».
Le Quotidien/AFP