Après le décès d’Adel Mimeche, les proches de la famille se relayent auprès des parents, dans le pavillon où l’on s’abandonne aux larmes. Mohamed, le père de la victime, a accepté de témoigner. Il décrit un garçon soucieux du bonheur des autres, toujours prêt à rendre service. Présent au mauvais endroit, au mauvais moment.
La maman d’Adel s’est engouffrée dans la maison familiale, brisée. De retour d’Algérie en urgence, où elle s’était rendue pour des obsèques, elle a dû intégrer l’impensable. Affronter une réalité inconcevable. La mort de son fils de 17 ans. Ce grand gaillard de 1,97m, sportif accompli dont les prédispositions pour le football, raconte sa tante Louisa, avaient déjà séduit des clubs internationaux, a perdu la vie après avoir reçu deux coups de couteau au cœur , lors d’une rixe survenue mercredi après-midi sur un parking proche de la Cité des sports, à Fameck.
Un rôle de «grand frère protecteur»
Ce gamin tout aussi attachant qu’insaisissable, mû par une incroyable énergie – «un vrai feu follet», sourit Louisa – aimait trop «sa» ville pour la quitter. Qu’importent les contrats et les perspectives alléchantes. «Il était très attaché à sa famille, ça comptait énormément pour lui», soutient son père.
Sa carrure impressionnante lui valait le surnom de «mutant». Sur un terrain, il en imposait : «C’était un attaquant puissant, qui marquait beaucoup», décrit Ahmed, un coéquipier. Il semblait intouchable dans le rôle de «grand frère protecteur» qu’il honorait à merveille, insistent ses amis. «Il faisait passer le bien des autres avant le sien. Il prenait toujours la défense des plus petits.» «Ça ne l’empêchait pas de rester un enfant, à demander où étaient ses chaussettes ou si son tee-shirt avait été lavé», murmure son père, Mohamed, digne dans le chagrin qui lui grignote la chair.
«Papa est là, maman va arriver»
Dans ce quartier tranquille, le pavillon a pris des allures de fourmilière avec le ballet incessant de la famille et des proches venus soutenir les parents, dire leur peine, s’abandonner aux larmes. Les tranches de gâteaux se ratatinent dans les assiettes alors que les visages se crispent dans la petite cour ombragée, que l’incompréhension torture les esprits.
«Mercredi, se souvient le père d’Adel, c’est moi qui l’ai réveillé pour qu’il aille rejoindre ses copains qui l’attendaient à la Cité des sports.» Comme tous les jours ces derniers temps. Lorsqu’il rentre de courses, une demi-heure plus tard, alerté par son autre fils affolé, il découvre Adel au sol, dans une mare de sang. «Il a voulu aider, séparer les gens qui se battaient. Il n’avait rien à voir avec l’altercation, ni avec une quelconque histoire de drogue, comme on a pu le lire dans certains médias.» Sur ce parking où le temps s’est arrêté, Mohamed s’agenouille aux côtés de son fils. «Je ne peux décrire la scène, balbutie-t-il. Impossible. Il luttait pour se relever. Je n’ai eu de cesse de lui parler. De lui dire ‘Papa est là. Maman va arriver. Réveille-toi, allez, tu es plus fort que n’importe qui d’autre’.»
Le voir une dernière fois
Les secours s’emploient à plusieurs tentatives de réanimation sur place, Adel fait trois arrêts cardiaques dans l’ambulance qui le mène à l’hôpital de Mercy. Près d’une centaine de personnes le suivront à l’hôpital dans son dernier combat pour la vie. «On se serrait tous les coudes, raconte Ismaël, un ami proche. Les médecins nous ont permis d’aller le voir une dernière fois, pour lui dire au revoir. On a prié pour lui, il mérite de rejoindre le paradis. Il est né vaillant, il est parti vaillant.»
Son père, lui, rêve de remonter le temps. Juste 24 heures en arrière. Alors que son fils poussait son dernier soupir, il a embrassé sa peau, encore et encore, s’imprégnant de l’odeur de ses cheveux. Il a touché le visage de son garçon «pour qu’il se réveille». Il était l’heure, pour le colosse, de fermer définitivement les yeux.
Joan Moïse/Le Républicain lorrain