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À un mois de la présidentielle, les indécis premier parti de France


Environ 40% des Français ne savent toujours pas pour qui voter lors de la présidentielle des 23 avril et 7 mai, ni même s'ils se déplaceront le jour du scrutin. (Photo : AFP)

A l’heure du tiercé au bar de la Ferté-Saint-Aubin, Eric Belouet coche sans hésiter les noms de ses chevaux favoris. Mais quant à savoir pour qui voter à la présidentielle… «Sincèrement, non», répond-il.

«Moi, je suis plutôt de droite. Mais François Fillon, c’est fuyons !», résume dans sa barbe poivre et sel cet ancien commercial en objets funéraires, âgé de 59 ans, qui vit dans cette petite ville de 7 400 habitants du centre de la France. Il ne pardonne pas au candidat conservateur, qui «avait la porte grande ouverte» pour devenir le prochain président après un quinquennat socialiste, de s’être englué dans des scandales d’emplois fictifs et de conflits d’intérêts présumés.

Comme lui, environ 40% des Français ne savent toujours pas pour qui voter lors de la présidentielle des 23 avril et 7 mai, ni même s’ils se déplaceront le jour du scrutin. Du jamais vu en France à un mois du scrutin. «Les affaires et les scandales ont parasité la campagne, cela a créé beaucoup d’incertitudes et de rebondissements. Du coup, on a moins parlé des enjeux de fond, des programmes», regrette Anne Jadot, professeur de sciences politiques à l’Université de Lorraine. Cela explique, selon elle, l’indécision des électeurs «plus forte cette année».

«Europe, écologie, aucun des grands enjeux n’est traité, je ne vois pas comment les gens peuvent s’y retrouver», se désole la maire de droite de La Ferté-Saint-Aubin, Constance de Pélichy, qui, à 30 ans, est l’une des plus jeunes élues de France. «Au marché, sur une vingtaine de personnes, une seule m’a parlé des élections présidentielles. C’est inquiétant parce que cela marque un désintérêt», regrette-t-elle.

Tout semble s’être conjugué pour troubler les électeurs, à commencer par la longue incertitude sur le casting des candidats. Il a ainsi fallu attendre le renoncement du président sortant François Hollande début décembre et le deuxième tour de la primaire socialiste fin janvier pour que la gauche nomme son candidat: Benoît Hamon.

«Confusion»

À droite, le doute a aussi plané plusieurs semaines sur la capacité de François Fillon à maintenir sa candidature malgré son inculpation par la justice. Avec à l’arrivée «une grande confusion», soupire Jacques Drouet, 65 ans, assis sur une banquette en simili-cuir vert du bar Le Commerce. «On est tous coincés entre le vote du cœur et le vote utile», explique cet ancien ingénieur universitaire et syndicaliste, qui vote d’habitude à gauche.

En France, les électeurs choisissent traditionnellement le candidat le plus proche de leurs idées au premier tour et éliminent au second celui qui leur déplaît. En 2002, la dispersion des votes avait conduit à l’élimination au premier tour du Premier ministre socialiste sortant Lionel Jospin, avec un second tour entre la droite et l’extrême droite finalement remporté par le conservateur Jacques Chirac grâce à un grand «front républicain».

Depuis, la donne a changé car tous les sondages annoncent la qualification d’emblée de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen au second tour. La grande inconnue reste le nom de son futur adversaire. «Il y a des gens qui peuvent anticiper en se disant: +est-ce que je prends le risque de voter au premier tour pour un que j’aime vraiment bien, quitte à me retrouver avec une configuration de second tour où j’aurais du mal ?+» à soutenir l’adversaire de Le Pen, explique Anne Jadot.

«Face à un second tour Fillon/Le Pen, pour l’instant, je voterais blanc», confie Jacques Drouet, toujours «traumatisé» par le choix forcé de 2002. Pour éviter ce «dilemme ingérable», ce sexagénaire proche des idées de Benoît Hamon envisage de voter au premier tour pour le centriste Emmanuel Macron, plus à même à ses yeux de se qualifier pour le second tour.

Mais d’autres indécis pourraient aussi choisir… de ne pas choisir, au risque de nourrir l’abstention. Celle-ci pourrait être supérieure au taux de 20% observé en 2012, selon les sondeurs. «Dans l’indécision électorale et la gamme des choix possibles on a aussi l’abstention et le vote blanc ou nul. Il y a une partie des gens qui décideront de ne pas arbitrer ou d’attendre le second tour pour se mobiliser», estime Anne Jadot. Eric Belouet, lui, confie que le 23 avril, il sera «peut-être à la pêche». «Ca va dépendre de la météo», dit-il.

Le Quotidien/AFP