Accueil | Actualités | À Nice, les larmes des personnels médicaux après l’attentat

À Nice, les larmes des personnels médicaux après l’attentat


L'association de la Protection civile participe au fonctionnement des cellules médico-psychologiques, avec ses bénévoles aux tenues orange et bleu, ici devant l'hôpital Pasteur de Nice, le 17 juillet. (photo AFP)

« Ceux que nous rencontrons se mettent tous à pleurer »: cinq jours après l’attentat du 14 juillet à Nice, les personnels hospitaliers sont très éprouvés physiquement et moralement par la « situation exceptionnelle » qu’ils viennent de vivre.

« C’est lourd, ils ont vu des choses qu’ils n’ont pas l’habitude de voir, y compris au Samu », confie à l’AFP Ghislaine Raouafi, secrétaire générale CGT à l’hôpital Pasteur, l’un des établissements du CHU de Nice qui a reçu de nombreux blessés jeudi soir.

« C’est plus lourd que d’habitude à cause du nombre de blessés et des blessures qui s’apparentent à (celles causées par) un accident routier ou un tremblement de terre », ajoute la représentante syndicale, assurant que même les professionnels les plus aguerris sont bouleversés.

Christine, une infirmière venue lundi midi participer à la minute de silence sur l’esplanade de l’hôpital Pasteur, dit qu’elle ne peut pas en parler: « C’est trop dur », lâche-t-elle en retenant un sanglot.

Philippe Babe, chef de service adjoint des urgences à la fondation pédiatrique Lenval, un établissement qui se situe à deux pas des lieux de l’attentat, a décrit sur Europe 1 un service débordé par l’afflux de blessés: « L’hôpital a reçu 40 patients, dont 9 adultes (…) On a eu à gérer des situations auxquelles on n’est pas habitués ». Le médecin évoque le « chaos » avec des blessés « polytraumatisés »: « C’est une situation exceptionnelle, mais dans l’action il y a une dissociation. Le technicien prend le pas sur l’homme, on travaille, on agit. C’est secondairement qu’on prend conscience de l’état de guerre ».

Ghislaine Raouafi décrit une situation similaire à l’Hôpital Pasteur, avec « 19 blocs qui ont opéré pendant deux jours, avec des équipes qui ont dû doubler leurs astreintes », et regrette des « problèmes de coordination ».

« Besoin de parler »

Philippe Babe relève lui aussi un « problème de communication » entre les différents établissements qui ont traité les urgences, expliquant qu’il ne savait pas ce qui se passait ailleurs: « Cette coordination là nous a manqué, on était un peu à l’aveugle de chaque côté ».

Pour Ghislaine Raouafi, l’accueil des proches a également été un point faible qui à profondément marqué les agents qui étaient aux avant-postes, les plongeant dans des situations intenables selon elle: souvent en manque d’informations, des personnels non formés ont été confrontés à la douleur des familles, au stress des personnes qui recherchaient un disparu et parfois à leur colère, décrit la représentante CGT.

« Ce qui est paradoxal, c’est que ça a été moins compliqué avec les blessés étrangers qu’avec les Français car les personnels de leur consulat se sont occupés de toutes les formalités et de la médiation avec les familles », relève-t-elle.

Après la fureur de l’urgence, des infirmiers et des aides soignants ont souhaité bénéficier eux aussi de l’écoute et du soutien d’une cellule médico-psychologique. « Tous les gens qui ont vécu la soirée de jeudi et qui ont en mémoire les bruits, les sons, les odeurs, ont besoin de parler, de formuler ce qu’ils ont vécu », explique à Paul Francheterre, le président de la Protection civile. L’association participe au fonctionnement des cellules médico-psychologiques, aux côtés des psychiatres et des psychologues, avec ses bénévoles aux tenues orange et bleu qui sont formés aux premiers secours socio-psychologiques.

« Lorsqu’on est dans l’action, dans le travail, on tient le coup mais c’est lorsqu’on relâche la pression qu’un traumatisme peut survenir », explique Paul Francheterre. Il relate ainsi l’anecdote d’un pompier qui répétait en boucle « J’étais face à une victime que je n’ai pas pu sauver ». « Mais surtout, ce qui a beaucoup marqué les gens c’est qu’il y avait des enfants » parmi les victimes, conclut le responsable de la Protection civile.

L’attentat commis par Mohamed Lahouaiej Bouhlel a fait 84 morts, dont 10 enfants et adolescents. Lundi soir, 70 personnes étaient encore hospitalisées, dont 19 pour lesquelles le pronostic vital était engagé, selon un bilan donné par la ministre de la Santé Marisol Touraine.

Le Quotidien / AFP