Tomates camarguaises, pavé de saumon sauce tapenade, tarte alsacienne aux poires : aux « Beaux Mets », le restaurant hors les murs de la prison des Baumettes, à Marseille, c’était menu unique pour la première mardi.
Aux fourneaux, Maxime, Salem et Mounir, trois détenus en formation. Restaurant éphémère, Les Beaux Mets est pour l’instant hébergé à Coco Velten, un site expérimental au cœur de la cité phocéenne, qui mixe salle de concert, logements pour sans-abris et bureaux pour une quarantaine d’entreprises et d’associations.
Au rez-de-chaussée, le restaurant. Tous les lundis et mardis, jusqu’au 25 juin, c’est la dizaine de détenus des Baumettes en formation depuis quatre mois avec l’AFPA (l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) qui se relaieront au « piano ». Avant l’examen final, fin juin, un diplôme de « commis de cuisine » en vue.
Changer le regard des gens
Ces futurs cuisiniers ont été sélectionnés au sein de la Structure d’Accompagnement vers la Sortie de la prison des Baumettes, première du genre en France, née en juin 2018. Cours théoriques, stages en immersion dans des restaurants référence de Marseille comme le Lauracée, le Poulpe ou le Mama Shelter, et cours pratiques, à Coco Velten : « Ils ont appris toutes les facettes du métier, la cuisine, le service, ou comment dresser une assiette », explique Clémentine Sassolas, des Tables de Cana, une entreprise d’insertion dans le secteur de la restauration, associée à ce projet.
Il est 14h30 et Maxime, 28 ans, peut souffler sur la terrasse des Beaux Mets. Il a quitté sa toque, son tablier et ses chaussures de sécurité, et c’est dans son survêtement de l’Atletico Madrid qu’il boit un petit café. Les 50 couverts prévus étaient là, et tout est parti. Pour lui, le plus dur n’a pas été la formation, mais le regard des « gens du dehors » : « Au début, ici, les gens ils ne nous calculaient pas, on n’avait même pas le droit d’avoir le code d’entrée si on arrivait en avance. Maintenant ils nous croisent et ils nous disent bonjour », explique ce jeune Marseillais des Carmes, un quartier tout proche.
Comme ses camarades sélectionnés pour cette formation, il a bénéficié d’un aménagement de sa peine, ce qui lui permet de passer ses journées hors des Baumettes. Lui est sous bracelet électronique.
Moins de récidive
« Ils ont bien travaillé aujourd’hui », confirme Didier, 57 ans, leur formateur de l’AFPA. « Mais tout n’a pas été facile pour eux, il leur a fallu apprendre l’assiduité, reprendre le rythme, l’habitude d’arriver à l’heure le matin, les relations avec le chef, les autres cuisiniers ». Pour Les Beaux Mets, Coco Velten n’est qu’un hébergement temporaire. Au premier trimestre 2020, ce restaurant devrait s’installer au sein même des Baumettes. L’emplacement est choisi, reste à faire les travaux et à continuer à former des brigades de cuisiniers, explique Aurore Cayssials, la directrice du SAS : « Ce sera le premier restaurant en France situé dans une prison et ouvert au public extérieur, comme The Clink à Londres ».
C’est en effet ce « gastro » désormais incontournable de la capitale anglaise qui a servi de modèle au projet marseillais, lancé fin 2016. « Le but est d’allier excellence de la cuisine et insertion professionnelle, et de permettre un changement du regard du public sur la prison », développe Clémentine Sassolas, en citant aussi l’exemple de In Galera, le restaurant dans la prison de Bollate à Milan.
Autre objectif : réduire les récidives parmi les détenus en leur apportant une formation, un outil pour se réinsérer dans la société. Actuellement, près de 50% des personnes en prison n’ont aucun diplôme. « A The Clink, ils ont formé plus de 1 800 détenus aux métiers de la restauration », précise Anne-Claire Gosselin, co-fondatrice de Marseille Solutions, l’autre structure installée au sein de la cité phocéenne à avoir travaillé avec l’administration pénitentiaire sur ce projet : « Et le taux de récidive est passé de 1 pour 2 à 1 pour 8 ».
LQ/AFP