Selon plusieurs témoignages, les procédures censées protéger les membres de la communauté des abus seraient vaines.
Le recteur l’a martelé ce jeudi face à la presse : à l’Université, «l’offre de canaux pour signaler d’éventuels problèmes est correcte, et même avant-gardiste».
Mais tous ces canaux apportent-ils réellement une aide aux membres de la communauté qui les sollicitent ? Sans aucun chiffre — l’Université a indiqué que ceux-ci sont réservés à un usage interne —, difficile de le savoir.
Cependant, les personnes avec qui nous avons pu échanger – professeurs, étudiants et employés administratifs dont nous protégeons l’identité – décrivent de mauvaises expériences lorsqu’elles ont tenté de soulever certains problèmes ou de chercher de l’aide en interne.
«L’institution se cache derrière de grands principes, avec des campagnes, des procédures pour lutter contre les abus, mais c’est un paravent», se désole ainsi cette ex-secrétaire licenciée – qui a gagné son procès contre l’Université.
«Aucun n’a donné suite»
Un professeur choisit, de son côté, les mêmes mots : «Dès que le problème concerne des gens au pouvoir, les procédures servent de paravent et une nouvelle couche de bureaucratie est créée pour diluer la responsabilité.»
Une autre professeure raconte : «Quand j’en ai eu besoin, j’ai contacté tous les organes de soutien aux employés, le Bureau égalité des genres, la délégation du personnel, le Bureau du médiateur… Aucun n’a donné suite.»
Selon elle, il n’existerait aucun moyen efficace de signaler des comportements problématiques ou de chercher des solutions, car «tous ces organes ne sont ni indépendants ni eux-mêmes à l’abri de répercussions».
La délégation du personnel n’aurait, quant à elle, aucun pouvoir, d’après les personnes interrogées. «J’ai pu observer que la délégation soutient parfois plus l’Université que l’employé», confie cette ex-employée mise à la porte qui a porté plainte.
«A posteriori, je ne me suis pas sentie défendue du tout.» Ce professeur dresse le même constat, mais se montre plus compréhensif : «La délégation n’est pas à la hauteur et ne joue pas son rôle. En même temps, son travail est très difficile.»

(Photo : archive/alain rischard)
Pas mieux au niveau des étudiants, qui disposent de leur propre délégation, avec des représentants au Conseil universitaire et d’un siège au Conseil de gouvernance.
Cet étudiant estime que «le problème principal est le manque d’indépendance. Même si nos délégués sont compétents, ils ne peuvent pas aider les étudiants». Il craint que certains étudiants intègrent la délégation uniquement «pour se rapprocher du pouvoir».
Le Bureau du médiateur perçu comme «partial»
Trois personnes assurent la fonction d’Ombudsman au Bureau du médiateur, «indépendamment de l’Université, des étudiants ou des employés», comme l’impose son mandat. Mais là encore, des dysfonctionnements sont rapportés.
Un professeur décrit : «Je souhaitais leur signaler certains problèmes. Or, je devais me faire connaître pour lancer la procédure. J’ai craint des représailles.»
Pour une ex-employée administrative, le Bureau du médiateur serait «toujours partial» : «On n’est pas entendus», soupire-t-elle.
Cet étudiant a, lui aussi, essayé de faire remonter une série d’abus auprès du médiateur, sans succès : «La personne était débordée et impuissante. C’est une façon indirecte de nous faire abandonner.» Ce jeune diplômé, d’une autre faculté, a le même sentiment : «Ça fait partie des moyens discrets qu’utilise l’université pour faire taire les étudiants.»
«Des menaces sur sa propre carrière»
Au-delà de s’être révélées «inutiles» pour nos témoins, certains sont convaincus que les procédures mises en place par l’Université se sont ensuite retournées contre eux.
L’ancienne secrétaire dit avoir découvert, peu après son licenciement, que le collègue prêt à témoigner en sa faveur subissait «des menaces des Ressources humaines sur sa propre carrière».
«Des enquêtes disciplinaires ont été lancées contre ceux qui m’ont soutenu», affirme encore ce professeur. L’un de ses confrères ajoute : «J’ai constaté que tout était fait pour récupérer des informations pouvant servir à cibler certaines personnes ou exercer des pressions.»
Dans ce contexte, le groupe de travail promis par le recteur pourrait bien tourner au feu de paille.