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À 60 ans, la Ligue des Champions en meilleure forme que jamais


La Coupe aux grandes oreilles fait rêver plus que jamais. (photo AFP)

Depuis le premier match joué en septembre 1955, la Ligue des Champions a muté au rythme des révolutions du Vieux continent et du sport (arrêt Bosman) : la C1 vit aujourd’hui à l’heure d’un «Big Four». Retour sur l’évolution de la compétition à quelques jours de son redémarrage, mardi (finale le 28 mai 2016 à Milan).

La date anniversaire est passée un peu inaperçue. Le 4 septembre 1955, il y a 60 ans à Lisbonne, un des clubs de la ville, le Sporting, recevait le Partizan Belgrade (3-3). C’est le match inaugural de la Coupe des clubs champions européens, devenue la Ligue des champions dans sa configuration moderne avec la saison 1992/93 qui formalisa la phase de groupes.

Au terme du premier exercice 1955/56, c’est le Real Madrid qui souleva la «Coupe aux grandes oreilles» d’une épreuve née d’une idée du journal L’Équipe , dont l’UEFA a pris le relais pour l’organisation. Le concept au départ était d’inviter des clubs européens populaires, pas forcément champions d’ailleurs.

Le Real Madrid est le fil rouge de la compétition reine des clubs : la formation espagnole a gagné le titre dix fois, un record, fête cette saison sa 20 e campagne d’affilée en phase de groupes de la C1 et a été présent à chaque fois en demi-finales lors des cinq dernières éditions. Mais autour de la formation «merengue», le paysage a bien changé.

L’arrêt Bosman, une vraie déflagration

« Le nombre de clubs capables d’atteindre les quarts a très fortement diminué ces 20 dernières années. Les clubs hors Big Five (NDLR : hors Angleterre, Allemagne, Espagne, France et Italie) sont presque totalement absents après les poules de Ligue des champions », expose Bastien Drut, analyste financier déjà auteur d’une Économie du football professionnel et qui sortira bientôt le livre Sciences sociales football club .

Et pour le titre, c’est encore plus resserré. Depuis le sacre du Porto de José Mourinho en 2004, c’est le quatuor Espagne, Allemagne, Italie et Angleterre qui inscrit le nom d’un de ses clubs au palmarès. La présence des équipes de l’ancien bloc soviétique dans le top 8 était courante avant les années 1990, elle est devenue l’exception au XXI e siècle. La chute du mur de Berlin a pu faciliter l’exode de talents vers l’Ouest. Mais ce n’est pas la seule explication. Le foot néerlandais a lui aussi disparu peu à peu des radars au sommet de la C1 (dernier représentant en demi-finales, le PSV Eindhoven en 2005).

« Deux principaux facteurs ont entraîné cette évolution : l’arrêt Bosman, à l’origine de la libéralisation du marché des joueurs en Europe, et la forte augmentation des droits TV dans les grands pays , analyse Drut. Après l’arrêt Bosman, les meilleurs joueurs des petits championnats ont été libres de rejoindre les clubs les plus riches, situés dans les gros pays. En conséquence, le niveau relatif des clubs des petits pays a beaucoup baissé. »

« À l’heure actuelle, il faut au moins un budget de 350 millions d’euros pour pouvoir prétendre à la victoire finale , calcule Drut. Mais évidemment, ce n’est pas une question suffisante. L’incertitude du sport persiste pour les clubs dont le budget est supérieur à cette somme. Le bilan des confrontations des top clubs en Ligue des champions est assez équilibré. » « Il faut que la domination soit très longue pour que le public se lasse », assure aussi Didier Primault, directeur du centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. Ce qui n’est pas le cas pour la victoire finale en C1. L’audience TV de la dernière finale remportée par le Barça contre la Juventus (3-1) est estimée à 180 millions de téléspectateurs par l’UEFA.

Le Milan AC est en effet le dernier club à avoir conservé son titre d’une saison sur l’autre, il y a 25 ans (1988/89 et 1989/90). Dans les années 1970 au contraire, ces séries étaient coutume (triplé de l’Ajax Amsterdam de 71 à 73, du Bayern Munich de 74 à 76, doublé de Liverpool 77 et 78, de Nottingham Forest 79 et 80).

Un hymne… religieux

Pour fêter un titre, il y avait l’éternel tube du groupe Queen We Are the Champions. Pour annoncer un match de la compétition reine, il existe un hymne depuis le 25 novembre 1992, la première fois qu’il a retenti dans les stades européens, l’année de la création de la Ligue des champions proprement dite. Enregistrée par l’orchestre britannique du Royal Philharmonic Orchestra et les chœurs de l’Academy of St Martin in the Fields, cette musique procure des frissons chez les joueurs dont c’est souvent une des préférées, malgré leurs goûts davantage portés sur les tendances plus modernes et urbaines. Cristiano Ronaldo l’a carrément chantée, comme un hymne national, avant d’affronter l’Atlético Madrid en quarts de finale de l’édition 2015.

« L’hymne de la Ligue des champions, c’est LA référence en terme de musique dans le monde du sport », assure Laurent Cochini, directeur conseil chez Sixième Son, agence leader en Europe dans le domaine de la musique pour les marques. Crescendo lancinant, mélodie entêtante, solennité rendue par les chœurs et la facture classique, l’hymne à succès a été composé en 1992 par le Britannique Tony Britten, en suivant de vagues directives du département marketing de l’UEFA. « Il se passait alors des choses terribles, des stades mal équipés, des hooligans effrayants, c’était horrible , explique Tony Britten. L’UEFA, à son grand honneur, a dit que la Ligue des champions devait refléter le meilleur de ce sport magnifique. » « Il y avait dans sa commande une demande de gravité », détaille-t-il. Ça ne doit pas donner l’impression de « pop music » bon marché. Il fallait qu’on sente qu’il y avait, là, de la substance. »

Haendel & Elizabeth II

« C’était peu après le coup des Trois Ténors à la Coupe du monde (NDLR : 1990 en Italie) et la musique classique avait soudain la cote, poursuit le compositeur. Ils voulaient quelque chose comme ça, mais pas de solistes, ils voulaient des chœurs. » « Il fallait qu’on leur propose quelque chose qui s’en approche , se souvient Tony Britten. Ils ont écouté le début de Zadok the Priest de Haendel et ils ont dit : « C’est ça que nous voudrions ». Il y a une phase ascendante dans l’hymne de la Ligue des champions que j’ai prise à Haendel. Puis j’ai écrit les paroles et la musique un peu dans son style, même si les cordes sont bien plus modernes. »

Cette œuvre du célèbre compositeur allemand naturalisé britannique du XVIIIe siècle n’est pas n’importe laquelle : elle est jouée à chaque couronnement royal outre-Manche, depuis George II en 1727 jusqu’à Elizabeth II en 1953. « Du point de vue strictement musical, c’est un hymne dans le sens premier du terme : il a une dimension guerrière, religieuse , note Laurent Cochini. Avec cet hymne, le foot a réussi à avoir le côté religieux, rassemblant tous ceux qui sont dans le stade. »

Pour ce qui est des paroles, elle sont simplistes : «Ce sont les meilleures équipes/Les grandes équipes/Une grande réunion/Ils sont les meilleurs.» Et les fans n’en reconnaissent que les dernières : «The champions!!!»