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Zoom sur les sept derniers couronnements en Europe


Charles III est le seul roi européen à avoir reçu une onction religieuse et à avoir été réellement couronné.

Il reste sept monarchies sur le Vieux Continent. Remontons le fil des dernières successions, qui ont pris peu à peu leur distance avec le religieux.

C’est au Danemark qu’a eu lieu le changement de souverain le plus récent : la maison de Glücksbourg a vu le prince Frederik X devenir roi le 14 janvier 2024, à la suite de l’abdication de sa mère, la reine Margrethe II, après plus d’un demi-siècle de règne. L’évènement avait attiré une foule immense sur la Slotsplads de Copenhague, où la proclamation avait eu lieu depuis le balcon du palais de Christiansborg. Ni trône doré ni couronne : seulement la voix du Premier ministre annonçant le nom du nouveau roi, suivie des acclamations de la population. Le souverain, vêtu d’un simple uniforme militaire, a salué son peuple avant de prononcer une brève allocution. Une sobriété qui montre la distance du Danemark avec la monarchie, le dernier véritable sacre avec onction remontant à 1840, avec Christian VIII.

Dix ans auparavant, le 19 juin 2014, la maison de Bourbon en Espagne voyait le roi Juan Carlos Ier céder sa place à son fils Felipe VI. La cérémonie s’était tenue au Congrès des députés à Madrid. Le nouveau roi, également vêtu d’une tenue militaire, a ensuite été acclamé par les parlementaires et le peuple rassemblé dans les rues. Si un sceptre et une couronne ont bien été exposés solennellement sur un coussin, ces attributs royaux n’ont pas été saisis par le souverain : la marque des monarchies modernes limitées par une Constitution. L’émotion était palpable, entre l’héritage d’un roi qui avait accompagné la transition démocratique espagnole et l’attente placée dans son fils pour unir l’Espagne dans une période de tensions, notamment en Catalogne.

Autre pays en proie à des tensions régionales, la Belgique a vu la maison de Saxe-Cobourg et Gotha écrire une nouvelle page de son histoire le 21 juillet 2013. Ce jour-là, le roi Albert II abdiquait en faveur de son fils, le prince Philippe. Dans l’hémicycle du Parlement, les Chambres réunies ont assisté à une cérémonie républicaine au cours de laquelle le serment constitutionnel a été prononcé. Philippe, la main posée sur la Constitution, a prêté serment dans les trois langues nationales, avant d’être acclamé par la salle. À l’extérieur, une foule nombreuse avait envahi la place Royale pour apercevoir le nouveau roi et la nouvelle reine Mathilde au balcon du palais royal de Bruxelles. Un moment d’unité nationale sur fond de divisions entre Flamands et Wallons. Le couple assistera ce matin à la prestation de serment du Grand-Duc héritier Guillaume.

Willem-Alexander, roi des Néerlandais, est l’un des seuls à avoir été couronné au sein d’une église, la Nieuwe Kerk.

Quelques mois plus tôt, le 30 avril 2013, les Pays-Bas organisaient le «Troonswisseling» de la maison d’Orange-Nassau, une cérémonie un peu plus fastueuse que les autres. Après l’abdication de la reine Beatrix, son fils, le prince Willem-Alexander, a été intronisé à Amsterdam. L’évènement s’est déroulé dans l’église Nieuwe Kerk, au cœur de la capitale. Devant les États généraux réunis, le nouveau roi a prêté serment et signé les documents officiels. Si le terme de «couronnement» est employé, il s’agit en réalité d’une investiture : pas de couronne, mais des symboles monarchiques omniprésents, tels que drapeaux, fanfares, sans oublier la couleur orange, emblématique du pays. La cérémonie s’était conclue par un défilé festif sur les canaux, où la population avait acclamé le nouveau couple royal, qui sera présent au Grand-Duché ce matin, avec la princesse Catharina-Amalia.

Un roi couronné sans cérémonie

De son côté, la Suède incarne la sobriété! Le 15 septembre 1973, à la suite de la mort de son grand-père Gustave VI Adolphe, le prince Charles XVI Gustave de la maison Bernadotte était couronné à l’âge de 27 ans, sans aucune cérémonie. Le roi devint chef d’État par le simple effet de la succession dynastique, sans rituel religieux ni proclamation publique. Seul un «Riksdagens hyllning», «hommage du Parlement» avait été observé, lorsque le nouveau roi avait prêté serment sur la Constitution. Depuis 1907, la Suède s’inscrivait en effet dans une volonté de limiter la monarchie au seul statut de symbole : une mesure inscrite dans la Constitution en 1974. Aujourd’hui âgé de 79 ans, Charles XVI Gustave est devenu en 2018 le monarque suédois ayant régné le plus longtemps.

Autant d’exemples qui illustrent à quel point les monarchies européennes ont évolué ces dernières décennies, en s’adaptant aux valeurs démocratiques et à la sécularisation croissante – séparation l’Église de l’État –, renonçant pour la plupart aux pompeuses cérémonies d’antan. Si le pouvoir symbolique reste fort, il s’exprime désormais à travers des serments devant les Parlements et autres organes représentant le peuple. Loin de l’image d’un roi oint par Dieu, les souverains règnent sur des monarchies constitutionnelles et incarnent les garants de l’unité nationale.

Le Royaume-Uni, une monarchie à part

Le Royaume-Uni, avec la maison Windsor, constitue une exception en Europe. Le 6 mai 2023, Charles III a été couronné à l’abbaye de Westminster lors d’une cérémonie qui renouait avec la tradition du sacre religieux. Contrairement aux monarchies voisines, le rituel britannique conserve une dimension sacrée : le souverain reçoit une onction avec l’huile sainte, avant de se voir poser la couronne de Saint-Édouard sur la tête. Entouré d’un faste inégalé, avec processions, chants et présence de délégations du monde entier, ce couronnement a rappelé le rôle central de l’Église anglicane dans la monarchie. La singularité britannique tient aussi à la puissance symbolique de ces rituels qui suscitent une certaine fascination : plus de 100 millions de personnes étaient devant leur poste de télévision pour regarder le couronnement.