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Zéro déchet, antigaspi : une tendance qui patine


Kathleen, responsable de l’atelier d’upcycling Dono, propose des produits fabriqués avec d’anciennes bâches publicitaires. (photos Alain Rischard)

Si le grand public se dit largement favorable au «zéro déchet», les acteurs du secteur constatent que les consommateurs luxembourgeois ont du mal à changer leurs habitudes.

Alors que les fêtes de fin d’année approchent, avec leur lot de surconsommation, dimanche, la Ville de Differdange a souhaité mettre en valeur les commerçants, organisations et citoyens, engagés pour le développement durable.

Parmi la trentaine d’acteurs locaux qui animaient le hall O d’Oberkorn, Martine figurait en bonne place, avec une impressionnante collection d’articles qu’elle coud et tricote de ses mains, à partir de chutes de tissu, cordelettes, sachets de bonbons, et tout autre matériau pouvant passer à la surjeteuse.

«Le côté antigaspi est important pour moi, et je vois que les gens ont aussi un intérêt pour tout ce qui est réutilisable, comme les cotons démaquillants ou l’essuie-tout», détaille cette habitante de Niederkorn. À son stand, on trouve coussins, sacs, couvercle pour boîtes hermétiques, jouets, et même une nouveauté, directement inspirée par la crise énergétique : «Des boudins garnis de ouate pour calfeutrer les bas de porte», lance-t-elle.

Laurent, lui, coordonne un atelier protégé de la Ligue HMC dédié au recyclage de matériaux et composants électroniques. Sous les mains expertes de Gilles, l’un des employés, une antenne téléphonique 3G se fait décortiquer : «On a un contrat de sous-traitance avec Post pour le démontage et le triage de ces antennes retirées du réseau. Cuivre, aluminium, métaux précieux, tout est récupéré pour être vendu et recyclé», détaille-t-il, heureux de valoriser le travail des personnes avec handicap. «C’est une mission à la fois sociale et écologique.»

Gilles s’applique à démanteler une ancienne antenne 3G : les composants seront recyclés.

Pour Miss Bak, qui tient une boutique dédiée aux produits cosmétiques naturels à Esch, l’enjeu du jour est surtout de se faire connaître : «Je me suis lancée en 2019, avec l’idée de proposer des articles à la composition simple, issus de coopératives de femmes en Côte d’Ivoire», explique la jeune entrepreneuse, qui reconnaît que le défi est de taille. «En France ou en Belgique, le créneau des produits durables est beaucoup plus développé. Ici, ça a du mal à prendre. On le voit bien : des petits commerces ferment après quelques années. Ça reste un marché de niche», observe-t-elle.

«On n’a pas toujours les astuces pour la maison»

Une analyse partagée par Martine Claus, de l’ASBL Territoire naturel transfrontalier : «On a tous nos habitudes et on n’a pas toujours les astuces pour adopter les bons gestes à la maison», explique la jeune femme, venue présenter le projet Fusilli, une collaboration avec la Ville de Differdange. «Il s’agit de tisser un réseau au niveau local pour une alimentation plus durable, comprenant produits de saison, zéro déchet, et antigaspi», poursuit-elle, ajoutant que des ateliers sont organisés «pour montrer que manger sainement est simple, et ne se limite pas à la salade». Un conseil alimentaire regroupant commerces locaux et citoyens planche ainsi chaque mois sur des projets pour booster l’autonomie locale, alors que 90 % des fruits et légumes sont importés, au Luxembourg.

Et si on avait encore besoin de se convaincre qu’il y a du chemin à faire vers la conscience écologique, Jessica Theis présentait hier une partie de son exposition intitulée «1 001 Tonnen», en référence au 1,6 kilo de détritus jetés chaque année par les 626 000 habitants du Grand-Duché. «J’ai parcouru le pays pendant deux ans et documenté les déchets sauvages abandonnés dans la nature avec mon appareil photo, sans retouche ni montage pour être fidèle au réel», indique la photographe, qui intervient aussi dans les écoles et lycées.

Sur ces clichés, on voit des mégots, des sacs plastique, des bouteilles, jonchant les sols des forêts ou des trottoirs, mais aussi un grille-pain dans les fougères, ou un frigo laissé sur un sentier. «Cinquante pour cent de ces déchets se trouvent à moins de cinq mètres d’une poubelle et 10 % à moins d’un mètre», déplore-t-elle, alors que le coût de cette pollution est estimé à 1,2 million d’euros par an.