Lors d’une conférence inattendue sur le conflit israélo-palestinien, Xavier Bettel, a répondu aux critiques visant l’action luxembourgeoise et l’absence de reconnaissance d’un État Palestinien.
C’est presque par surprise que le ministère des Affaires étrangères a annoncé jeudi la tenue d’une conférence de presse sur la situation dans les territoires palestiniens occupés et en Israël prévue pour le lendemain matin.
Ce délai inhabituellement court avant la prise de parole du ministre Xavier Bettel, vendredi, tient sûrement au contexte brûlant qui appelle une clarification sur le comportement à adopter envers l’État hébreu.
À Luxembourg, la réunion de la commission des Affaires étrangères du 5 mai sur l’accord d’association Union européenne-Israël a accentué la division entre les députés luxembourgeois, l’opposition de gauche réclamant la fin de l’accord, à l’inverse de ceux de la majorité.
Depuis lors, la colère du LSAP, de déi Lénk et de certaines ONG s’est intensifiée. Parallèlement, certains États membres ont haussé le ton.
C’est le cas des Pays-Bas, qui ont demandé, le 7 mai, l’examen de l’article 2 de l’accord UE-Israël qui base les relations entre les deux parties sur les droits humains et démocratiques, sa violation étant susceptible d’entraîner la révision dudit accord.
Depuis, d’autres pays ont légitimé cette démarche, à l’instar de la France, dont le président Emmanuel Macron a également qualifié en début de semaine d’«inacceptable» et de «honte» le comportement du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.
Israël «n’écoute plus»
Le chef de la diplomatie du Grand-Duché a donc pris la parole afin de clarifier et défendre la position de son gouvernement. «Nous soutenons l’initiative néerlandaise et nous avons été parmi les premiers à souhaiter que la Commission européenne fasse cette analyse», assure-t-il.
«Et si la conclusion est qu’il y a une violation des droits de l’homme, il faudra suspendre l’accord d’association.» Selon lui, si l’on souhaite stopper les actions d’Israël, «les moyens sont assez limités». Une suspension du partenariat avec l’UE permettrait donc de faire «pression» et de «mettre un frein à ce qui se passe à Gaza».
Se refusant d’employer le terme de génocide, Xavier Bettel dénonce malgré tout la politique d’Israël qui, de surcroît, semble camper sur ses positions malgré de nombreux appels à la trêve.
«Nous sommes arrivés à un point où j’ai même l’impression qu’ils n’écoutent plus, qu’ils se disent que, de toute façon, ils n’auront rien comme sanctions», déplore celui qui s’est rendu quatre fois sur place sans jamais rencontrer Benjamin Netanyahu.
Face à cet Israël en roue libre, le ministre des Affaires étrangères pense «qu’il est important que l’Union européenne oppose tout simplement un stop».
Il ajoute : «À nous, le Luxembourg, de soutenir cela.» Une telle initiative européenne est loin d’être acquise pour autant, puisqu’elle ne fait pas l’unanimité. «J’étais en Pologne la semaine dernière et nous avions un texte sur la table pour condamner ce qui se passe aujourd’hui en Israël. Mais les Tchèques ont dit non. Pourquoi? Je ne sais toujours pas.»
La reconnaissance, juste un symbole
«Tant qu’il n’y aura pas de paix en Palestine, il n’y aura pas de sécurité pour Israël», estime le vice-Premier ministre. «S’ils ne comprennent pas que la solution, c’est seulement un cessez-le-feu et deux États qui vivent l’un avec l’autre, on n’avancera pas.»
Si ces mots sonnent comme l’annonce d’une prochaine reconnaissance, par le Luxembourg, d’un État de Palestine, il n’en est rien. «Ce n’est que du symbole, cela a un effet zéro», lance, lapidaire, Xavier Bettel. «Je sais que des partis au Luxembourg me disent « Reconnaissez la Palestine », mais aujourd’hui cela ne changera rien», ajoute-t-il.
Pour se justifier, le ministre avance que la reconnaissance doit faire partie d’un «package» qui comprend, selon lui, le désarmement du Hamas, une normalisation des relations des pays arabes avec Israël, une éducation moins radicale et la tenue d’élections. «Et dans ce cas-là, la reconnaissance interviendra au bon moment.»
D’ici là, le Grand-Duché compte sur «la France et d’autres grands pays» afin d’adopter une stratégie commune, car «plus on sera, plus on aura de l’impact». Et pourquoi ne pas compter sur Donald Trump qui, pour l’instant, ne s’est pas rendu en Israël et qui «peut nous surprendre aussi dans le bon sens».
Près de 15 millions d’euros d’aides
En 2024, 14 941 183 euros ont été versés aux territoires palestiniens occupés pour de l’aide aussi bien médicale et psychologique que diplomatique.
Soit, environ, 400 000 euros de plus qu’en 2023 et 1,8 million de moins que la somme prévue pour 2025. De quoi permettre à Xavier Bettel de glisser à «ceux qui critiquent le fait que l’on ne fait pas grand-chose» : «Je crois que l’on n’a jamais fait autant.»