Xavier Bettel dresse un bilan contrasté de ses six mois de présidence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe qui se sont achevés ce mercredi, entre motifs de satisfaction et conflits qui se profilent.
Six petits mois et puis s’en va. Hier s’est achevée la cinquième présidence du Luxembourg à la tête du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Ce comité à la présidence tournante réunit les ministres des Affaires étrangères des 46 États membres de l’organisation – parmi lesquels les 27 États membres de l’Union européenne, dont elle se distingue tant dans ses missions que dans son fonctionnement.
Xavier Bettel, devenu président le 13 novembre dernier, passe symboliquement les rênes à son homologue maltais Ian Borg en lui remettant le marteau en bois de la présidence. À l’archipel méditerranéen d’en faire désormais bon usage, au moins aussi bon que ne l’a fait son prédécesseur, dont Ian Borg salue «le travail et la discipline». «L’engagement ferme de votre pays envers les valeurs du Conseil de l’Europe et la promotion de la culture du vivre ensemble, constitue une base solide sur laquelle mon pays compte s’appuyer.»
À l’heure du bilan, le chef de la diplomatie luxembourgeoise reconnaît lui aussi l’investissement du Grand-Duché au cours de ces six mois : «Nous avons eu 33 conférences et événements organisés, avec de nombreuses fois le Grand-Duc et la Grande-Duchesse qui se sont déplacés ainsi que neuf ministres». «Cela montre quand même le lien qu’il y a eu avec cette présidence du Conseil de l’Europe et le gouvernement luxembourgeois» souligne Xavier Bettel.
L’Ukraine en tête de liste
Lors de sa prise de fonction, trois priorités avaient été annoncées : la défense de l’État de droit et de la démocratie, la promotion du conseil du vivre ensemble ainsi que la promotion des droits humains via le sport et la culture. Dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine, le premier point a naturellement été le sujet principal de la présidence, qui a œuvré jusqu’au dernier moment.
«Cette demande officielle des Ukrainiens qui a été remise ce matin au secrétaire général, mais sous notre présidence, était un moment important», se félicite le vice-Premier ministre au sujet de la création d’un tribunal spécial pour les crimes d’agression contre l’Ukraine. Ce dernier devrait voir le jour puisque le Comité des ministres a chargé le Conseil de l’Europe de mener un processus visant à sa création. «Ne pas condamner, ne pas avoir de redevabilité, fermer les yeux et ne pas regarder ce qui s’est passé pour des milliers d’invalides et de morts, cela serait une deuxième douleur pour les familles.»
Parmi les autres motifs de satisfaction de Xavier Bettel se trouve l’adoption d’une convention pour mieux protéger les avocats, dont l’ouverture à la signature a eu lieu la veille au Mudam. Il loue également «l’étape importante» que représente la nouvelle convention qui doit permettre aux États d’avoir un cadre juridique solide afin d’éviter et de punir les infractions graves à l’environnement.
Les travaux en faveur du droit de l’enfant et de la visibilité des groupes marginalisés (personnes âgées, porteurs d’un handicap ou gens du voyage) ainsi que les 20e et 70e anniversaires de l’Association européenne du patrimoine juif et de la Convention culturelle européenne complètent le tableau des bons points.
«Cela risque d’exploser demain»
Les six mois n’ont pourtant pas été ponctués que de réussites, et le président du Comité joue franc jeu sur les difficultés de présider une telle assemblée. «Il y a 46 membres autour de la table et j’ai certains membres où cela risque d’exploser demain. Et ce n’est pas possible d’avoir une assemblée dans laquelle on se retrouve pour parler de valeurs alors que demain on risque d’avoir une guerre.»
En faisant allusion, entre autres, aux tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ainsi qu’en Bosnie, il estime qu’«il est important dans une assemblée pareille que l’on ait des moments formels ou informels pour pouvoir se dire les choses». L’enjeu du Comité des ministres est clair à ses yeux : «Si c’est pour faire du blabla, de la courtoisie et du lèche-botte, cela ne sert à rien.»
Il se remémore par exemple «un engagement concernant les mairies des municipalités serbes au Kosovo pour avoir une avancée là-dessus, mais je ne l’ai pas eue» ou encore en matière de droit de l’environnement, «un texte où il y a neuf options sur la table, de ceux qui veulent que tout soit contraignant juridiquement jusqu’à ceux qui ne veulent rien».
Selon lui, «le plus difficile, c’est d’avoir des gens qui partagent un continent mais avec des cultures, des traditions et des fonctionnements différents». «C’est là où le Conseil de l’Europe et la présidence doivent naviguer» affirme-t-il, sans manquer de souhaiter «bonne chance à mon copain maltais».