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Xavier Bettel : « Le fait que le pays se porte mieux est difficilement attaquable »


"Il a fallu sauver les banques et nous avions marqué notre accord parce qu'en politique, il faut savoir dépasser les clivages des partis." (Photo Julien Garroy)

Le Premier ministre, Xavier Bettel, ne rougit pas du bilan de son gouvernement, bien au contraire. Le fait que le pays se porte mieux est même difficilement critiquable, selon lui. En cette fin d’année et avant d’attaquer la dernière ligne droite de son mandat, il nous livre une interview au ton résolument optimiste.

À votre arrivée, vous aviez brandi des analyses qui indiquaient qu’à politique inchangée de l’ancien gouvernement, le pays allait droit vers un surendettement. Aujourd’hui, des instances autorisées vous font le même reproche mais vous les ignorez, pourquoi ?

Xavier Bettel : Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons trouvé une situation d’endettement cyclique. Une spirale qu’il fallait inverser. Le taux d’endettement était de 23% et nous avons dit qu’il fallait poser une limite à 30%. Au final nous atteindrons les 21%, soit un résultat bien meilleur que celui que nous escomptions. J’avoue que la conjoncture nous a aidés, mais les mesures du « paquet d’avenir » nous ont permis d’avoir une situation que je qualifie de saine. Il est vrai que certains organismes nous reprochent des dépenses trop élevées. Je tiens à rappeler que nous investissons 10 milliards d’euros dans les infrastructures, nous aurions pu ne rien faire et laisser ça aux futurs gouvernements.

Le principal reproche que je fais à l’ancien gouvernement, c’est de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour anticiper la situation alors que le Luxembourg à 700 000 habitants se dessinait irrémédiablement. Nous avons dû réagir avec pour résultat que tout le monde est content d’avoir le tram et revendique sa paternité, mais nous l’avons fait comme les infrastructures au niveau des lycées et du logement. Nous avons préféré investir et relancer la consommation. On sait qu’il y a une évolution, il nous appartient de préparer le pays à cet avenir en garantissant une qualité de vie à laquelle nous tenons. Nous avons voulu avoir des infrastructures modernes, adaptées à l’évolution du pays, ni plus ni moins.

Que valent alors les analyses de ces instances ?

Je rappelle que nous avons nous-mêmes mis en place ces instances qui n’existaient pas. Nous avons pris connaissance de leurs conclusions qui nous disent que nous aurions dû moins dépenser. Je suis d’avis que la consommation est importante comme les infrastructures. À très court terme, ces projets nous coûtent cher mais à moyen terme, ne pas la faire, coûtera beaucoup plus cher. Je prends donc note de leurs positions, mais je ne partage pas la politique d’austérité que ces instances préconisent.

Si Xavier Bettel avait été dans l’opposition la semaine dernière lors du vote du budget, aurait-il brandi ces conclusions pour fustiger la politique gouvernementale ?

Être dans l’opposition actuellement n’est pas facile, j’ai pu le constater encore la semaine dernière. Il y a eu tout un drame sur les comptes de l’exercice 2016 que le CSV a adopté en commission et qu’il hésite au final à approuver en séance publique pour finalement voter pour, c’est du surréalisme ! Nous avons rédigé un projet de loi sur la loi électorale afin de séparer les élections législatives des élections européennes, les chrétiens-sociaux n’ont pas voté pour, donc on a une opposition qui a un peu de mal à analyser. Je ne sais pas ce que j’aurais fait à leur place parce que je n’y suis pas, mais le fait que le pays se porte mieux est difficilement attaquable.

Je ne critique pas tous les choix qu’eux ont fait, car il a fallu sauver les banques et nous avions marqué notre accord parce qu’en politique, il faut savoir dépasser les clivages des partis. Nous avons quand même créé un fonds intergénérationnel qui n’existait pas avant et qui va faciliter la vie des futurs gouvernements. Avant, dès qu’on avait des rentrées exceptionnelles, on les dépensait. Autrement dit, avec une rentrée non récurrente, on créait une dépense récurrente et il arrive un moment où ça ne passe plus. Nous, nous mettons de côté pour les générations futures.

Votre optimisme quant à la croissance est-il dû à la santé toujours solide du secteur financier ?

La première chose qu’il faut retenir c’est que cette croissance nous la devons à notre triple A que nous avons failli perdre, je l’avoue, au cours de ces quatre dernières années. On nous avait prévenus qu’en cas d’absence de réformes, nous le perdrions. Si tel avait été le cas, nous n’aurions pas eu les banques chinoises qui se sont installées à Luxembourg et qui paient des impôts pour le plus grand bien de notre qualité de vie, nos salaires et nos pensions. Sans croissance, il n’y a rien, et nous n’avons rien à distribuer.

Deuxième chose, nous devons nous diversifier et c’est ce que fait ce gouvernement sur la base du rapport Rifkin. Nous avons créé le space mining, nous avons développé le secteur de l’assurance, nous allons, je l’espère, accueillir Google. Je rappelle que chez Amazon ils ont commencé à sept et ils sont 2 000 à y travailler aujourd’hui au Luxembourg. Nous avons élaboré une stratégie dans le domaine du digital en réunissant acteurs publics et privés autour de la table. Sans cela, aucun big player ne regarderait où est situé le Luxembourg et nous n’aurions pas Google qui envisage de venir s’y installer. Être juste tributaire du secteur financier est dangereux pour l’avenir, car nous sommes tributaires des régulations internationales.

Quel est le poids économique que peut atteindre le space mining ?

Je vois un nombre toujours plus important de sociétés qui viennent s’installer aujourd’hui au Luxembourg, c’est déjà 2% du PIB. Le space mining va nous rapporter ce que SES nous rapporte aujourd’hui. Dans les années 80, quand Pierre Werner a décidé de créer la Société européenne des satellites, beaucoup l’ont pris pour un fou et c’est pareil aujourd’hui pour Étienne Schneider et moi-même. Le space mining, c’est le « next big thing » et des grands pays nous suivent déjà. La diversité économique a toujours fait la richesse de ce pays.

On parle de croissance qualitative et nous voulons vraiment créer au Luxembourg des entreprises qui ont un impact moindre sur l’environnement et le trafic.

Entretien avec Geneviève Montaigu et David Marques

A lire en intégralité dans Le Quotidien papier du 23 décembre 2017.