Au terme d’un premier jour de sommet à rallonge, le Premier ministre luxembourgeois s’est dit satisfait de la solidarité que l’Europe affiche désormais en termes de défense commune. Au niveau de la migration, cela reste par contre plus compliqué…
Même à minuit passée, Xavier Bettel n’avait pas oublié son credo répété particulièrement souvent lors de ce dernier sommet européen de l’année : solidarité, solidarité et encore une fois solidarité. « L’Union européenne repose sur ce principe, il m’a été important de le rappeler lors de notre tour de table sur la politique migratoire », révèle le Premier ministre luxembourgeois au bout d’une première journée de pourparlers, qui aura duré près de neuf heures.
Nouvelles missions pour l’armée
Le Brexit mais aussi l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis ont bien eu un effet positif : les membres de l’UE affichent à nouveau une plus grande unité, même si cette dernière reste à parfaire. Cette solidarité reste en effet « à géométrie variable », pour utiliser l’image employé plus tôt dans la journée de jeudi par Xavier Bettel pour qualifier la politique étrangère de Donald Trump.
À un moment où le rôle protecteur des États-Unis est remis en question, l’UE a réussi après des décennies de blocages d’établir en un temps record une politique de défense commune. « Cela démontre qu’on peut encore mettre sur pied des projets en commun, reposant sur la solidarité », souligne Xavier Bettel. La logistique et la formation sont les deux domaines dans lesquelles l’armée luxembourgeoise sera engagée à l’échelle européenne. Baptisé PESCO, cette « Coopération structurée permanente » va permettre à l’UE de solidifier sa politique étrangère et aussi son rôle au sein-même de l’OTAN.
« La solidarité ne doit pas passer par le chéquier »
Cette même solidarité et structure permanente, le Premier ministre souhaite aussi l’avoir en matière de politique migratoire, mais ici les blocages sont plus importants. « Je constate pourtant que les pays du groupe de Visegrad (NDLR : Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) ont changé quelque peu leur attitude. Il y a un an et demi, le blocage était total. Aujourd’hui, ils reconnaissent au moins l’important travail fourni par l’Italie », constate Xavier Bettel en faisant référence aux 30 millions d’euros que le « V4 » compte verser à Rome pour soutenir les efforts italiens dans l’accueil de réfugiés. « La solidarité ne doit cependant pas uniquement passer par le chéquier », ajoute le chef du gouvernement.
C’est pourquoi, Xavier Bettel continue à plaider pour un « mécanisme permanent » en matière de migration. « La migration illégale doit cesser. Il faut miser sur la migration légale », détaille le Premier ministre du Luxembourg. « Il faut profiter maintenant de l’accalmie relative sur le terrain pour discuter du principe. Des quotas restent nécessaires, mais il faut d’abord s’accorder sur le principe, sans mettre dans l’immédiat des chiffres sur ces quotas », insiste Xavier Bettel.
La politique migratoire, sujet devenu plus brûlant à nouveau suite à la sortie du président du Conseil européen, Donald Tusk (« quotas hautement conflictuels »), figurera à nouveau à l’ordre du jour des 28 chefs d’État et de gouvernement en juin 2018. « Je dis bien 28, car Brexit ou pas, le Royaume-Uni continuera à jouer un rôle important en la matière », conclut Xavier Bettel.
A Bruxelles, David Marques
Libye : « Il faut condamner » la traite d’être humains
Si les flux migratoires en provenance de la Libye et de la Turquie se sont calmés dans le courant de cette année, cela est dû à la politique de « forteresse » menée par l’UE. Grâce à des accords contestables conclus avec Ankara et Tripoli, de nombreux réfugiés restent bloqués dans des camps de réfugiés avant de pouvoir mettre le cap sur l’Europe.
Interrogé jeudi soir sur la situation en Libye, le Premier ministre luxembourgeois s’est dit conscient que la situation sur le terrain reste compliquée. Le mois dernier, Le Quotidien révélait dans ses colonnes le calvaire vécu par un jeune journaliste érythréen, torturé, persécuté et violé à maintes reprises en Libye, avant de rejoindre avec ses dernières forces l’Italie et finalement le Luxembourg.
« Il faut condamner cela fermement. Or nous en tant que UE on n’est pas présent sur le terrain. Il est d’autant plus important de poursuivre nos efforts pour former les gardes-côtes libyens. En outre, il faut qu’on continue à coopérer avec les Nations Unies. L’objectif doit rester de ‘casser’ les passeurs criminels », souligne Xavier Bettel. En attendant que la machine diplomatique se mette en marche, les milliers de réfugiés bloqués en Libye continueront de souffrir alors qu’ils espéraient trouver un nouveau port d’attache. Pas toujours évidente à comprendre l’Union européenne…