Emanuel blâme le verre de trop et Filipe, le verglas. Tous deux ont commis un accident avec délit de fuite après avoir trop bu. L’un assume et l’autre un peu moins.
Je ne bois plus d’alcools forts depuis. Cela m’a fait peur», affirme Emanuel à la barre de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, vendredi matin. Le jeune Belge de 28 ans est accusé de délit de fuite et d’ivresse au volant. «J’ai des flashs. Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé», reconnaît-il. Ce jour-là, il avait fêté l’anniversaire d’un collègue de chantier et avait alterné les bières et les verres de whisky. «Je me suis laissé entraîner. On m’a un peu forcé la main.»
Éméché, il prend la route. Une route qu’il dit bien connaître aux policiers qui l’interrogeront plus tard. Il se penche pour fouiller son sac et ne voit pas qu’une des voitures qui le précèdent s’arrête à un panneau «Stop». Il heurte la voiture devant lui. «Il était désolé et a commencé à pleurer dans un premier temps. Il a reconnu avoir bu», se souvient la conductrice de la voiture qu’il a emboutie. «Il s’est allongé un peu sur le sol et quand il a été de nouveau un peu lucide, il a dit qu’il devait partir.» Le mari de la conductrice de la première voiture a tenté de le retenir. S’en est suivie une altercation violente aux termes de laquelle le jeune homme est remonté dans sa voiture, l’a démarrée et a conduit quelques mètres avant que le moteur ne rende l’âme. La police est arrivée à ce moment-là.
«Vous auriez pu prendre un taxi», note le procureur, qui estime que les infractions retenues à la charge du prévenu sont données. Emanuel avait un taux d’alcoolémie de 1,7 gramme d’alcool par litre de sang au moment des faits. Le magistrat a requis une amende à son encontre ainsi qu’une interdiction de conduire de 24 mois pour le délit de fuite et une autre de 18 mois pour la conduite en état d’ébriété. Au vu de «la gravité des faits», le représentant du parquet s’est opposé à toute forme de sursis autre qu’une exception à l’interdiction de conduire pour les trajets professionnels. Un dispositif qui arrange le jeune homme qui, selon son avocat, vient de signer un contrat de travail à durée indéterminée.
Il abandonne son pare-chocs
Filipe est lui aussi accusé d’avoir commis un délit de fuite en état d’ébriété, mais le trentenaire cherche des excuses pour expliquer son inconduite. Le 17 novembre dernier, il circulait sur l’autoroute A6 «à grande vitesse», selon les occupants de la voiture qu’il a percutée. Cette dernière était en train de dépasser un camion d’épandage des Ponts et Chaussées quand le prévenu a déboulé. «Il y avait du verglas, ça a glissé. Je n’aurais de toute façon rien pu faire», tente de se justifier le prévenu. «Je n’étais pas en état d’ébriété. J’avais juste bu deux ou trois verres de vin rouge.» «Et un martini», le corrige le président de la 12e chambre correctionnelle.
Le prévenu explique s’être ensuite arrêté sur l’aire de Capellen pour régler le litige avec l’autre automobiliste. «Il n’a pas daigné sortir de sa voiture pour me parler. Il n’a rien voulu savoir. Il faisait froid, alors je suis rentré chez moi», raconte Filipe. Une version différente de celle qu’a recueillie un inspecteur de police auprès de l’autre automobiliste et de ses deux passagers. «Le prévenu a insulté l’autre conducteur et lui a dit qu’il ne payerait pas pour les dégâts occasionnés avant de quitter les lieux», rapportait le policier vendredi matin. Contrairement à Filipe, l’autre conducteur a eu le réflexe de prévenir la police.
En prenant la fuite, le trentenaire a laissé le pare-chocs de sa voiture encastré avec sa plaque d’immatriculation dans le pare-chocs de la voiture qu’il avait percutée. Un élément qu’a tenu à préciser le représentant du ministère public dans son réquisitoire. «Cela peut arriver à tout le monde d’avoir un accident en raison du verglas, mais alors on s’arrête et on dresse un constat à l’amiable. Il n’y a rien de grave là-dedans», s’étonne-t-il. «Sauf si on se trouve en état d’ébriété.»
Il a estimé que les infractions de délit de fuite et de conduite d’un véhicule en présentant des signes manifestes d’ivresse pouvaient être retenues contre le prévenu. Il en veut pour preuve le faisceau d’indices que constituent les propres déclarations de Filipe à la police, l’accident lui-même et son comportement juste après. Le procureur a requis deux fois 18 mois d’interdiction de conduire et une amende à l’encontre du prévenu. Il ne s’est pas opposé à un sursis intégral.
Emanuel et Filipe seront fixés sur leur sort le 14 juillet.