Tout les accuse, mais aucun lien matériel ne relie directement les trois prévenus présents aux vols d’une dizaine de Range Rover en 2019. Ils nient leur implication dans une organisation criminelle.
Vasyl et Denis contestent en bloc : ils n’ont pas volé de Range Rover et ne sont pas membres d’une organisation criminelle ou d’une association de malfaiteurs. Les deux ressortissants ukrainiens prétendent ne pas s’être trouvés au Luxembourg en septembre et décembre 2019, au moment des vols d’une dizaine de voitures.
Leur implication dans l’affaire ne serait, affirment-ils, due qu’à des concours de circonstances. «Je séjournais dans le même hôtel en France que certains des auteurs», explique Denis, spécialiste en électronique automobile. Vasyl, lui, devait aider Davit, leur coprévenu représenté par Me Stroessser, à acheter un camion frigorifique. La police grand-ducale aurait, selon l’ancien légionnaire de 54 ans, commis un amalgame avec un dossier belge les concernant.
Aucune piste négligée
La section de répression du grand banditisme de la police judiciaire aurait-elle fait fausse route? L’enquête a été minutieuse et aucune piste n’a été négligée en l’absence de preuves matérielles. Elle a notamment mené les policiers jusqu’en région parisienne dans l’entourage de voleurs de voitures géorgiens. «Ce genre de vol est généralement commis par des bandes professionnelles originaires des pays d’Europe de l’Est», a noté un des enquêteurs à la barre de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier. «Une personne seule n’est pas à même d’y parvenir. D’après les constatations de l’enquête, ils étaient au moins trois pour chaque série de vols», explique un deuxième enquêteur. «Le moteur peut s’éteindre et ne plus redémarrer. Il faut une voiture pour récupérer les complices en cas de danger.»
Les quatre prévenus ont été identifiés grâce, notamment, au regroupement d’informations fournies par le gouvernement géorgien, à la téléphonie qui a permis de retracer leurs déplacements les jours des faits, à la vidéosurveillance des autoroutes belges qui a filmé les voitures volées et les voitures qui les accompagnaient à chaque fois – une Astra et une 508 immatriculées au nom de Davit –, ainsi qu’à des réservations d’hôtels et des vols d’avion.
«Structurée et professionnelle»
Tout semble coller. Les Range Rover transitaient sous escorte vers les Pays-Bas en passant par Liège, en Belgique. Une des voitures a d’ailleurs été retrouvée à Visé et les téléphones ont borné à Cheratte. Après avoir accédé aux véhicules, les voleurs les démarraient en mode urgence en manipulant l’ordinateur de bord grâce à la prise OBD et quittaient le pays sur les chapeaux de roues, a expliqué un des enquêteurs. Les signaux GPS étaient brouillés pour empêcher tout traçage des voitures. Ensuite, l’ordinateur de bord était reprogrammé pour que la voiture réponde à de nouvelles clés.
Le policier est d’avis que le tribunal est en présence d’une partie des membres d’une bande internationale «structurée et professionnelle» de voleurs de voitures emmenée par Davit qui organisait les vols. Un emploi qu’il aurait déjà occupé en Géorgie. Les voitures devaient, selon le policier, être acheminées en Géorgie par bateau depuis un port aux Pays-Bas. «Ils ne passaient jamais la même frontière deux fois le même jour», précise le policier. Tout était fait pour brouiller les pistes.
«Les voitures étaient laissées sur un grand parking au milieu d’autres voitures pour attendre ce qui allait se passer avant de les acheminer jusqu’à leur destination finale», explique son collègue. Les voleurs les surveillaient pour s’assurer qu’elles n’avaient pas été traquées par la police. Elles étaient généralement garées en France.
Une deuxième série de vols en décembre 2019
Une deuxième série de vols, ceux commis au mois de décembre 2019, a fini de convaincre les enquêteurs. Le nom d’un certain Levan apparaît dans les deux séries et les relie entre elles. Aleksander et Denis ont été arrêtés le 8 décembre après le vol d’une Range Rover à Schuttrange. Un bouchon artificiel provoqué par la police sur l’autoroute A3 mettra un terme à leur course.
Aleksander est arrêté dans un conteneur de l’Eurohub des CFL et Denis à Thionville dans l’hôtel qu’ils occupaient avec un troisième individu. Il était en possession du matériel électronique nécessaire à commettre ce genre de vols de voitures. Une disjonction a été demandée pour Aleksander dont l’avocat a jeté l’éponge.
L’affaire reprend jeudi matin avec notamment le réquisitoire du parquet et les plaidoiries de la défense.