Le tribunal a souhaité entendre le policier qui a arrêté Rayan. Un doute subsiste quant à son implication dans une affaire de vol de vélo et de violences. Le jeune homme nie les faits.
Ou bien c’est Monsieur ou bien ce n’est pas lui ou bien c’est lui à moitié.» Le tribunal ne sait plus à quel saint se vouer. Bruno accuse Rayan de lui avoir volé son vélo et de lui avoir asséné un coup de poing, mais à la barre, les faits ne paraissent plus aussi clairs.
«Il a regardé quel film lui?», lance Rayan depuis le banc des prévenus. «Après, après…», lui ordonne le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier après-midi. Le jeune Tunisien de 21 ans conteste avoir volé le vélo de Bruno et a fait opposition à un jugement du 19 janvier 2023 qui le condamnait par défaut à 15 mois de prison ferme ainsi qu’à une amende de 1 500 euros. «Je ne comprends pas ce que vous me reprochez», indique le prévenu qui lève les yeux au ciel, commente le témoignage de la victime et se marre.
Les faits remontent au 26 mai 2021. «Je rentrais de huit heures de travail. Je faisais une partie du trajet à vélo», explique Bruno qui commandait un kebab au comptoir d’une échoppe du quartier de la gare à Luxembourg quand un jeune homme lui a volé son vélo. «Mon vélo était à un ou deux mètres de moi. Je l’ai perdu de vue le temps de m’approcher de la fenêtre pour commander. Quand je me suis redressé sur le trottoir, j’ai vu quelqu’un partir avec lui», témoigne la victime. «Deux sans-abris m’ont dit qu’un Marocain avait pris mon vélo et m’ont indiqué où le trouver.» Me Says, l’avocat de Rayan, s’étonne : aux policiers, Bruno a dit ne pas avoir vu le voleur. «Je n’ai pas vu son visage», corrige le témoin.
Le Portugais de 52 ans a parcouru le quartier pour retrouver son moyen de transport. «Je l’ai trouvé dans le haut de la rue du Fort Neipperg, au sol avec des vêtements dessus. Je me suis baissé pour enlever les vêtements et récupérer mon vélo. Le jeune homme est arrivé et m’a donné un coup de poing que j’ai esquivé», explique Bruno. Il a trébuché sur le sac à dos qu’il avait déposé au sol et est tombé. «Une bande d’Africains subsahariens est arrivée sur moi et m’a donné des coups de pied. La police les connaît. Ils traînent en permanence dans le quartier.»
Remise demandée
Des agents de sécurité de la gare centrale ont mis un terme à l’attaque et ont retenu Rayan pour le remettre à la police. «Je n’ai jamais vu cet homme de ma vie», jure pourtant ce dernier. Bruno est formel : il reconnaît le jeune homme comme étant l’auteur du vol. Ou du moins, il était habillé comme la personne qu’il a vue en train de s’enfuir sur son véhicule. «Pourquoi avoir demandé qui avait volé votre vélo aux personnes présentes si vous aviez vu mon client?», veut savoir Me Says. Le doute subsiste toujours quant à l’identité du voleur.
«Je n’ai pas beaucoup d’espoir quant à l’issue de ce jugement. Je pense que les choses se passent plus haut. Cette quantité absurde de musulmans qu’on laisse…» Le président l’empêche de continuer sur la voie sur laquelle il a commencé à s’engager et le prévient. «Ce n’est pas le débat du jour. Je vois les oreilles de Monsieur le procureur se dresser. Attention à ne pas vous mettre une autre affaire sur le dos!»
Le représentant du parquet a estimé que les faits s’étaient déroulés en deux temps : le vol, puis les coups et blessures à la suite desquels la bande d’agresseurs présumés a pris la fuite. Sauf le prévenu. «Les policiers ont conclu que Rayan était le voleur présumé parce que c’est lui que les agents de sécurité retenaient quand ils sont arrivés. Les images de vidéosurveillance ne permettent pas de le reconnaître», note le magistrat. «La seule question qu’il faut se poser ici est : est-ce que celui qui a volé le vélo est aussi celui qui a frappé le témoin?»
Le président de la 7e chambre correctionnelle a demandé à ce que le procès soit interrompu et remis à une nouvelle date pour permettre au tribunal de convoquer le policier qui a arrêté le prévenu et de visionner les images de vidéosurveillance afin de démêler le déroulement des faits et de mieux les comprendre. Bruno avait pu récupérer son vélo après les faits, mais il lui a été volé une nouvelle fois depuis, alors qu’ «il était attaché devant chez moi».