Accueil | A la Une | [Elections communales] Vol de mandat et réforme électorale

[Elections communales] Vol de mandat et réforme électorale


Yves Cruchten (LSAP) est un des rares politiciens à insister pour une réforme de la loi électorale, mais le sujet intéresse très peu ses pairs.  (Photo : archives lq/julien garroy)

Encore un élu qui s’en va avec son mandat. Cela se passe à Schifflange, mais les électeurs sont habitués à ce genre de transfuge. Les partis s’offusquent, mais ne font rien de plus.

Il faut toujours une première fois et déi Lénk la vit actuellement avec le cas d’un conseiller communal frais émoulu, Admir Civovic, qui a décidé de quitter le parti pour rejoindre les rangs du LSAP. Décidément, il ne faudrait pas que l’exercice devienne un sport national, et pourtant, ce genre de transfuge n’est pas nouveau, sauf pour déi Lénk qui n’avait pas encore connu une telle situation.

Dans un communiqué adressé aux rédactions, la Gauche qualifie le départ de son unique conseiller de Schifflange de «vol de mandat» orchestré selon elle par le Parti socialiste. La section locale s’est offusquée de telles accusations, arguant qu’à aucun moment elle n’avait approché le conseiller en question. D’ailleurs, le sieur Admir Civovic n’apportera aucun siège supplémentaire aux socialistes et siégera en tant qu’indépendant.

Depuis le temps que cette pratique existe, les électeurs ont bien compris que le mandat appartient à l’élu et non pas au parti. «Nous faisons signer une déclaration sur l’honneur qui stipule que la personne élue a l’obligation morale de démissionner du conseil communal, mais cela n’a rien de contraignant», avoue Gary Diederich, porte-parole du parti, qui se dit surpris par cette situation et les motivations de l’élu qui avait rejoint le parti en mars dernier seulement (lire ci-dessous).

Ce cas n’est pas sans rappeler celui de Christine Schweich, tête de liste du LSAP aux dernières communales qui a subitement quitté le parti pour rejoindre les rangs du DP, qui l’accueillait à bras ouverts, sauf que le partenaire chrétien-social de coalition a exigé qu’elle siège en tant qu’indépendante. Elle expliquait alors ne plus s’identifier à la politique du LSAP, comme Admir Civovic avec déi Lénk.

Provoquer un débat

Tous les partis politiques s’accordent à dire que le siège leur appartient, mais aucun, à part peut-être la Gauche, n’entend réformer en profondeur cette loi électorale devenue désuète pour de nombreux observateurs avec son panachage et ses quatre circonscriptions. À Schifflange, des électeurs ont envoyé un courrier au bourgmestre pour lui dire que ce n’était pas pour voir cela qu’ils avaient voté.

«Il faut changer la loi et nous allons vraiment provoquer un débat sur la question d’une réforme en profondeur de la loi électorale», déclare Gary Diederich. Le président de la fraction socialiste à la Chambre, Yves Cruchten, ne dit pas autre chose. Les jeunes socialistes avaient déjà introduit une pétition interdisant le cumul des mandats, mais celle-ci était tombée en pleine pandémie et les partis de la majorité avaient d’autres chats à fouetter. Les verts n’étaient d’ailleurs pas très chauds pour se lancer dans une réforme à ce moment-là, ce qui arrangeait bien le DP.

«Il faudrait faire une séparation des mandats et on aurait déjà pu avancer pendant la dernière législature», affirme Yves Cruchten, également conseiller communal à Bascharage (Käerjeng). Il tenait à poursuivre la réforme des institutions engagée avec la séparation de l’Église et de l’État, la Maison grand-ducale, et poursuivre avec le Conseil d’État qui le mériterait bien, comme l’a montré le conflit d’intérêts récent dans l’affaire Lucien Lux/Becca. «Il aurait fallu s’attaquer au statut du député et à la professionnalisation des élus locaux. On avait déjà fait un bout de chemin, il aurait fallu continuer», dit-il. Mais de tout cela, personne ne veut en parler.

«J’ai l’impression que tout le monde s’arrange avec le système. Une réforme institutionnelle ne fait pas partie du programme», regrette-t-il profondément.

«Jalousies»

Pour justifier son départ de déi Lénk, cinq mois à peine après avoir obtenu un siège de conseiller à la commune de Schifflange sous la bannière de la Gauche et malgré une déclaration sur l’honneur de «ne représenter que déi Lénk dans l’exercice de son mandat», Admir Civovic convoque des «raisons politiques et personnelles». La campagne des législatives a mis en lumière des débats et des points de vue avec lesquels il se sentait en désaccord. Lesquels? «Je ne souhaite pas entrer dans le détail», élude-t-il, mentionnant pour sa défense avoir rejoint déi Lénk tardivement, «deux mois seulement avant les communales».

«En suivant la campagne nationale, j’ai compris que cela ne correspondait pas tout à fait à mon orientation politique.» Surtout, il évoque des «jalousies» au sein de la section schifflangeoise. «Certains ne nous ont pas félicités pour notre victoire, à mon frère et moi, alors que les autres partis l’ont fait chaleureusement.» Une réaction qui suscite l’incompréhension du conseiller, qui se targue d’«avoir apporté du dynamisme et la possibilité pour déi Lénk de présenter une liste».

Le fait de n’avoir pas été présenté sur les listes des législatives l’«interroge» par ailleurs, même s’il l’assure, «ce n’est pas la cause de ma démission». «Nous sommes cinq à avoir quitté déi Lénk, parmi lesquels quatre sont arrivés en tête des élections. C’est la preuve d’un climat malsain au sein de cette section», glisse Admir Civovic.

T. S.