Contraint depuis peu de gérer ses véhicules hors d’usage et bientôt confronté à une nouvelle réglementation européenne, le Grand-Duché a lancé l’ASBL Ecorauto en janvier 2024 afin de répondre à ces défis.
Tandis que tout un chacun sait comment acheter un véhicule, sa fin de vie est bien plus obscure. Il y a fort à parier qu’au Grand-Duché, peu nombreux sont ceux qui savent que les véhicules hors d’usage (VHU) de tout le pays étaient gérés par la Belgique il y a encore un an, avant le lancement de l’ASBL Ecorauto.
En effet, le 1er janvier 2024, cette jeune ASBL discrètement installée à Belval est devenue le premier organisme national à gérer la dépollution et le recyclage des véhicules bons pour la casse. «Auparavant, le secteur automobile s’était arrangé pour que les fournisseurs de véhicules, qui se situent essentiellement en Belgique, prennent à leur charge les obligations et organisent tout», raconte Andy Maxant, le directeur d’Ecorauto. Jusqu’au jour où, à la suite d’un règlement européen, «il a été signifié au secteur luxembourgeois que c’était à lui de prendre en charge ces obligations».
Mis face à leurs responsabilités, différents acteurs de l’automobile se sont réunis alors avec le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable afin de changer la donne. En 2022, les échanges entre la Fédération des distributeurs automobiles et de la mobilité (Fedamo), la Mobiz (fédération des loueurs de véhicules) et la Fédération belge et luxembourgeoise de l’automobile et du cycle (Febiac) aboutissent à un accord par lequel ils s’engagent à prendre en charge la fin de vie des épaves. Ce qui s’est traduit par la création de l’ASBL Ecorauto.
En 2023, 1 209 épaves
L’enjeu premier est simple : reprendre la main sur le sort réservé aux VHU luxembourgeois. Pour ce faire, l’ASBL s’est engagée à proposer gratuitement des structures d’accueil pour les véhicules hors d’usage, où elle garantit un traitement de qualité et effectue un suivi des épaves prises en charge à destination des autorités. Pour l’heure, le seul centre agréé du pays est celui des Nouveaux Établissements Liébaert, à Senningerberg, où sont recueillis des véhicules qui sont ensuite acheminés au-delà des frontières.
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Après avoir tout juste récupéré la gestion des véhicules hors d’usage, l’ASBL Ecorauto et son directeur Andy Maxant vont devoir s’adapter à des normes européennes de recyclage plus strictes.
En 2023, sur les 1 209 VHU recensés, 56 % ont été dépollués et recyclés dans un centre en Allemagne et les 44 % restants en Belgique. Le rapport qui doit être remis au ministère de l’Environnement comporte ces chiffres et ceux correspondant aux matériaux recyclés et réutilisés dans les pays voisins et non au Grand-Duché. «Tant que c’est réutilisé dans l’industrie européenne, c’est le principal», explique Andy Maxant. Le coût de la prise en charge revient à Ecorauto, qui est financée par une contribution environnementale de 5 euros (hors TVA) perçue sur chaque vente de véhicule neuf par les concessionnaires et garagistes luxembourgeois.
«Aller plus loin dans le recyclage»
Maintenant que le Grand-Duché gère ses VHU, un nouveau changement se dessine au niveau européen cette fois. «La Commission européenne travaille sur un texte afin d’aller plus loin dans le recyclage», résume le directeur, dont l’ASBL participe à un groupe de travail sur ce sujet.
L’Union européenne souhaite renforcer la circularité du secteur automobile en améliorant la collecte, le traitement et le recyclage, sachant que le secteur automobile européen représente 10 % de la consommation totale de matières plastiques et que des matières premières rares entrent dans la composition des batteries des voitures électriques.
Outre ses bénéfices pour l’environnement, le futur texte pourrait avoir un impact économique non négligeable : «Plus le recyclage en tant que tel demande de l’investissement, plus c’est cher. Rien n’est certain, mais la contribution environnementale pourrait donc évoluer.» Aux yeux d’Andy Maxant, il s’agit «d’un grand changement et d’un grand challenge», car «il y a toute une industrie qui va devoir se mettre en conformité avec ce qui est demandé».
Tracer pour mieux surveiller
L’exigence européenne impliquerait une meilleure collecte des VHU, ce qui pourrait résoudre un problème que le Luxembourg partage avec d’autres États membres : la baisse du nombre d’épaves. «C’est un chiffre qui diminue partout à cause de l’export des véhicules hors d’usage vers d’autres pays qui vont leur donner une seconde vie.» Considérées comme des déchets en Europe, ces voitures conservent une valeur marchande dans des pays émergents, en dépit de leur nuisance écologique et des problèmes de sécurité.
La mise en œuvre du texte pourrait alors conduire à l’élaboration d’un meilleur traçage des VHU en Europe afin d’«éviter qu’ils quittent le territoire» et qu’ils soient pris en charge «dans les règles de l’art», ajoute Andy Maxant. Il a dans son viseur les marchés parallèles qui récupèrent des voitures afin de tirer profit des matériaux sans se soucier de la dépollution. Pour les batteries, notamment, «certains se disent « allez, je jette l’acide d’un côté et je garde juste le plomb » et donc les objectifs de recyclage sont loin d’être atteints».
Les 1 209 VHU recueillis en 2023 au Luxembourg correspondaient à 1 350 tonnes de déchets. De chacune de ces épaves ont été soigneusement retirés la batterie, le liquide de refroidissement, le liquide de frein, l’huile gazée, le carburant, le catalyseur, le filtre à huile et les pneus, soit 74 tonnes de déchets. Les 1 276 tonnes restantes ont, elles, été passées au broyeur et ont fourni 71 % de métaux ferreux, 14 % de fractions légères (plastique légers, mousse), 7 % de métaux non ferreux, et des plastiques lourds et des minéraux (vitres) pour compléter. Au final, le taux de réutilisation ou de recyclage d’un véhicule est de 95 %.