Le procès d’un jeune homme qui avait posé un engin explosif dans la voiture de son père à Bergem, le samedi 1er octobre 2016, s’est ouvert lundi. Pour l’enquêteur, il visait son héritage.
« Avec beaucoup de chance, Monsieur a survécu. C’est un miracle qu’il ait ‘juste’ essuyé quelques brûlures, hématomes et contusions», constatait lundi après-midi l’enquêteur de la police judiciaire en charge de ce dossier qui avait tenu en haleine une partie du sud du pays le 1er octobre 2016. Il était 9h37, ce samedi matin, quand le 112 reçut les premiers appels signalant un blessé avec de graves brûlures dans la cité Am Steewee à Bergem.
Ce père de 68 ans venait tout juste de prendre place au volant de sa Toyota Land Cruiser garée dans son entrée de garage pour se rendre au centre de recyclage quand l’explosion a retenti. Sous le choc mais conscient, il était sorti du véhicule. Sa veste était en feu. Les secours l’avaient pris en charge, tandis que les pompiers avaient éteint les flammes.
Poudre et projectiles à Dudelange
Rapidement, les soupçons se sont dirigés vers le fils de la victime. «Il avait des visées sur l’héritage de son père. Depuis un certain temps, leur relation n’était plus au beau fixe», soulève l’enquêteur. Plusieurs voisins avaient aussi observé un jeune homme d’une trentaine d’années avec une barbe de trois jours prendre la fuite à bord d’une VW Golf noire après la déflagration.
Mais on ne retrouve pas le fils à son domicile, à Dudelange. Grâce à son portable, il avait fini par être localisé dans le réseau allemand un peu avant midi. C’était deux heures avant que la police allemande ne contacte ses collègues luxembourgeois : il venait de se livrer à Düsseldorf. Il expliquait avoir de l’explosif dans sa cave et dans sa voiture…
Pendant ce temps-là, les forces de l’ordre avaient déployé un important dispositif dans la rue An der Foxenhiel à Dudelange où habitait le suspect. À la recherche d’autres matières explosives, elles avaient découvert dans sa cuisine un autre engin explosif. «Le même que celui qui a détoné», précise l’enquêteur. La perquisition dans son garage et sa cave avait par ailleurs mis au jour de la poudre noire, des projectiles… bref tous les ustensiles utiles à la construction de la bombe étaient là.
Pour l’enquêteur, aucun doute : «Il avait bien préparé l’attentat.» Entre la lettre d’intimidation envoyée fin 2015 où il réclamait 1 000 euros par mois à son père, les recherches d’instructions sur la poudre noire ou les systèmes de déclenchement à distance, puis enfin l’achat du matériel… Au mois d’août 2016, il disposait de tous les éléments pour construire son engin explosif. En témoignent les photos retrouvées sur les différents appareils du prévenu. «On part du principe que l’engin était déjà prêt le 31 août.»
L’explosif placé dans la console centrale
Un ingénieur pyrotechnicien a apporté plus de précisions, hier. Il s’agissait d’un tube métallique rempli en partie avec de la poudre et des projectiles. «C’est une espèce de canon de fabrication artisanale qui projette de la mitraille. Pour un non-initié, il faut tâtonner pour comprendre le fonctionnement de ce type d’engin. Cela ne se fait pas sur un coup de tête un soir», explique l’expert français qui intervient régulièrement auprès de la Cour d’appel de Paris.
Sur les lieux du crime, une quinzaine de projectiles avaient été retrouvés. «À partir des dégâts, il est facilement imaginable que l’engin était dirigé vers la tête du conducteur», conclut l’expert, qui parle de blessures potentiellement létales.
Lors de son audition à Düsseldorf, le prévenu avait déclaré avoir décidé de placer la bombe dans la voiture de son père après avoir découvert que sa cave rue du Stade avait une nouvelle fois été cambriolée. Il suspectait fortement son père.
«Je laisserai la parole à mon avocat»
Avec le double de la clé de la voiture de son père, il aurait positionné l’engin explosif vers 8h dans la console centrale entre les sièges passager et conducteur. Il aurait ensuite attendu l’arrivée de son père derrière une haie. Pendant près d’une heure, il aurait patienté avant d’actionner le détonateur par l’intermédiaire d’une télécommande. Quand il avait entendu son père ouvrir la portière et crier, il aurait compris qu’il n’avait pas réussi. Son père pourrait être content que cela se soit terminé sans trop de dégâts, avait-il, par ailleurs, confié aux policiers.
Le 15 décembre 2016, Kim Z., âgé aujourd’hui de 41 ans, a été extradé au Grand-Duché. Depuis cette date, le quadragénaire poursuivi entre autres pour tentative de meurtre dort à Schrassig. «J’ai déjà tout dit. Je laisserai la parole à mon avocat.» Ce sont ses premiers mots à la barre de la 9e chambre criminelle. Suite du procès ce mardi après-midi.
Fabienne Armborst