Un procès fictif impliquant une voiture autonome a eu lieu lundi à Luxembourg. Cela permet de donner des indications sur la justice de demain.
Nous sommes le 15 juillet 2030, soit cinq ans après la première loi luxembourgeoise autorisant la circulation des véhicules autonomes sur toutes les routes du territoire du Grand-Duché.
En cette journée d’été, Paul Muller est à bord de sa nouvelle voiture autonome de la marque Deslar en direction du Findel quand le véhicule avertit l’automobiliste de poser ses mains sur le volant. Paul Muller, ne voyant aucun danger, décide de ne pas suivre la consigne. La voiture fait alors un brusque écart vers la droite et heurte Michel Schleck, un malheureux cycliste se trouvant sur le trottoir. Ce dernier s’en sort avec de sérieuses blessures, dont de multiples fractures, et décide de porter plainte contre Paul Muller alors que l’automobiliste pointe du doigt une défaillance du véhicule autonome. L’affaire est alors entre les mains des avocats.
C’est avec cette situation que 18 étudiants en master de droit à l’université du Luxembourg ont enfilé les robes des avocats de la défense et de l’accusation devant le juge Thierry Hoscheit lors du procès fictif qui s’est déroulé au tribunal d’arrondissement. Durant une heure de joute verbale, les avocats ont chacun défendu leurs positions.
Les avocats de la défense, représentant les intérêts du constructeur fictif Deslar, ont dénoncé la négligence de l’automobiliste envers les injonctions du véhicule prévenant de la nécessité de mettre les mains sur le volant à un moment donné. Un comportement à ajouter à la perte de maîtrise du véhicule et à la possibilité de reprendre la main sur l’engin à tout moment, même si celui-ci est autonome.
«Gardien du comportement du véhicule»
D’un autre côté, les avocats de Paul Muller ont mis en avant la responsabilité de Deslar sur une possible faille dans l’algorithme créant l’autonomie du véhicule. Ils ont également mis Paul Muller dans la peau d’une victime de la technologie, arguant que «l’autonomie du véhicule est là pour aider et non pas tromper le conducteur». Le tout en argumentant sur l’impossibilité de l’automobiliste de réagir aussi vite qu’un robot dans une telle situation d’urgence, situation tout aussi surprenante pour une personne se trouvant dans un véhicule autonome neuf décrit par le constructeur comme sûr et «ayant une dynamique propre» au moment de l’accident.
À la surprise générale, après les plaidoyers, le juge et ses deux assesseurs ont délibéré en faveur du constructeur. En effet, si le juge a bien estimé que Deslar a failli à l’obligation de donner toutes les garanties en matière de sécurité, le juge a tout de même exonéré Deslar du fait de la faute de Paul Muller dans la mesure où l’automobiliste a été considéré comme étant le «gardien du comportement du véhicule» et donc fautif de ne pas avoir pris le contrôle de l’engin alors même que celui-ci le lui a demandé. Paul Muller devra s’acquitter des 57 359 euros de dommages et intérêts.
La première affaire (fictive) du genre est donc remportée par la voiture autonome, un jugement qui pourrait bien faire office de jurisprudence même si «l’accusation peut évidemment faire appel de la décision», a rappelé le juge. Une mise en scène qui se termine sur un goût d’inachevé ou plutôt qui donne envie d’assister à d’autres simulations juridiques avec des scénarios différents.
Jeremy Zabatta