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Voĉo, le collectif qui ne veut pas du Platzverweis


Les modifications apportées au texte se résument à des «reformulations mineures», regrettent les ONG du collectif Voĉo. (Photo : archives lq/julien garroy)

En dépit des amendements apportés au texte, le projet de loi sur le Platzverweis renforcé reste un texte jugé liberticide par les ONG membres du collectif Voĉo. Elles comptent sur le Conseil d’État.

Un an jour pour jour après la présentation du Platzverweis renforcé par le ministre Léon Gloden, la contestation est toujours aussi forte. Hier, le collectif Voĉo, qui réunit des ONG décidées à défendre l’unité et la légitimité de la société civile au Luxembourg, ont dénoncé, une fois de plus, le projet de loi qui, selon eux, bafoue les droits humains et les principes de l’État de droit.

Le Conseil d’État avait sérieusement retoqué le texte, si bien que le gouvernement n’avait d’autre choix que de l’amender face aux oppositions formelles qui menaçaient le projet de loi. Cependant, le gouvernement a fait le service minimum. Le texte, qui autorise l’éloignement, voire l’interdiction de lieu d’une personne qui trouble la tranquillité, la salubrité ou la sécurité publiques, ne perd pas grand-chose de sa substance.

Les amendements gouvernementaux suppriment l’amende pénale qui était prévue initialement, dans le but de renforcer le caractère purement administratif des mesures de police introduites par le projet de loi. En mai dernier, en commission parlementaire, le ministre avait précisé avoir tenu compte, sur ce point, des avis de plusieurs institutions, notamment du parquet et de la Commission consultative des droits de l’homme.

Un projet de loi «liberticide»

Le gouvernement avait prévu, encore, qu’un huissier de justice remette la notification au lieu de résidence de la personne concernée. Difficile pour des personnes sans domicile fixe, comme l’avait souligné le Conseil d’État. Finalement, la notification sera effectuée directement en mains propres par un policier. Un autre changement vise à autoriser la police à effectuer des contrôles d’identité dans le cadre de la mesure d’interdiction temporaire de lieu.

Le collectif Voĉo continue à dénoncer un projet de loi «liberticide» visant à «marginaliser encore davantage les personnes dans une situation vulnérable». La version amendée du projet de loi ne satisfait pas davantage les ONG réunies dans cette plateforme. Elles avaient d’ailleurs partagé un avis en mars dernier dans lequel elles dénonçaient «le caractère flou, arbitraire et potentiellement discriminatoire des termes employés dans ce projet de loi».

«Un pouvoir démesuré» dans les mains de la police

Rien ne change vraiment, regrette le collectif. Les modifications apportées au texte se résument à des «reformulations mineures», observent les ONG. Le seul amendement de poids est l’abandon de la sanction pénale de 250 euros en cas de non-respect de l’interdiction temporaire de lieu. Le gouvernement espère ainsi que le Conseil d’État renoncera «à sa position fondamentale de longue date» selon laquelle «les notions de sécurité, de salubrité ou de tranquillité publiques auxquelles il est fait référence sont trop vagues pour déclencher la prise de mesures restreignant la liberté publique».

Voĉo constate que la police et les bourgmestres «sont toujours dotés d’un pouvoir démesuré pour déplacer de force et interdire de lieu des personnes au comportement jugé inapproprié». Le texte, selon le collectif, «laisse toujours énormément de place à l’interprétation, ouvrant la porte à une application arbitraire et disproportionnée», d’autant qu’il ne prévoit aucune voie de recours. Ce projet de loi «porte ainsi atteinte de manière flagrante à la liberté des personnes qui sont déjà dans une position vulnérable», insiste-t-il, ajoutant que le gouvernement luxembourgeois préfère opter «pour des mesures sécuritaires et liberticides, plutôt que de combattre les inégalités et la pauvreté». Le collectif plaide ainsi pour l’abandon du Platzverweis et attend le deuxième avis du Conseil d’État, qui analysera les amendements gouvernementaux apportés au texte initial.

Le ministre persiste

Dans l’esprit du gouvernement, «l’espace public appartient à toutes et tous» et le ministre Gloden prend au sérieux «les réclamations récurrentes des habitants d’immeubles, des commerçants et des piétons concernant des personnes qui entravent les entrées d’immeubles ou qui troublent l’ordre public».

La procédure du Platzverweis renforcé consiste en trois étapes successives menées par la police : rappel à l’ordre, injonction de s’éloigner, éloignement. En cas de besoin, l’éloignement peut être opéré par la force, dans un rayon d’un kilomètre au maximum et pour une durée de 48 heures. Un rapport est établi pour tout éloignement. En cas de non-respect (au moins deux fois en l’espace de 30 jours), le bourgmestre peut prononcer une interdiction temporaire de lieu pour une durée maximale de 30 jours.