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Vitiligo : «Certaines personnes peuvent se sentir stigmatisées»


Le Dr David Deltgen est dermatologue à Walferdange.

Maladie auto-immunitaire, le vitiligo est un trouble de dépigmentation de la peau. Le Dr Deltgen nous explique les facteurs du déclenchement de cette pathologie et nous en dit plus sur le traitement qui existe aujourd’hui.

Dans le monde, entre 0,5 et 2 % de la population serait touchée par le vitiligo. Afin de sensibiliser le grand public, plusieurs actions se sont déroulées, vendredi, dans la capitale et au centre commercial de la Cloche d’or.

À travers l’exposition de silhouettes et de personnages atteints par cette pathologie, l’objectif était de mieux faire connaître cette maladie bénigne, parfois handicapante dans le quotidien de certains patients.

Qu’est-ce que le vitiligo?

David Deltgen : Le vitiligo est une maladie auto-immunitaire affecte la pigmentation de la peau par destruction des cellules productrices de mélanine (pigment de la peau), les mélanocytes. Certains facteurs génétiques peuvent prédisposer le déclenchement de cette pathologie. Souvent, les patients ne savent pas qu’ils en sont porteurs.

Environ 20 % des patients ont connaissance de cette pathologie dans leur famille proche, ce qui en démontre le caractère en partie héréditaire. Le vitiligo peut se déclencher après un épisode de stress corporel intense (physique, par exemple un coup de soleil ou une brûlure, ou psychique) qui par la suite peut engendrer un dérèglement du système immunitaire qui à son tour attaque et détruit les mélanocytes.

C’est une maladie bénigne, mais pouvant être liée à d’autres problèmes auto-immunitaires. Par exemple, chez les patients atteints de vitiligo, on retrouve, entre autres, plus généralement des problèmes de thyroïde et de diabète que dans la population saine. Il est important de noter que le risque de cancer de la peau au niveau des endroits atteints est nettement accru, car là, la peau ne dispose plus de pigment et donc plus de protection contre les rayons solaires nocifs.

(Photo : Julien Garroy)

Comment cette maladie se manifeste dans le corps humain? 

À la suite à la destruction initiale des mélanocytes (par un stress, mais souvent aucun facteur déclenchant n’est retrouvé), une cascade d’évènements auto-immunitaires est lancée et entretenue, ce qui fait en sorte que le système immunitaire détruit les mélanocytes.

Vu qu’il n’y a plus de mélanocytes, il n’y a plus de production de mélanine et donc la peau devient blanche et perd son pigment. En conséquence, des taches blanches apparaissent par endroits sur le corps et peuvent se propager. La plupart du temps, on les remarque au niveau du visage ou dans des zones de tension, comme le dos des mains, au niveau de la taille et les coudes.

Ces taches peuvent se développer sur tout le corps?

C’est souvent symétrique. Les taches peuvent commencer au niveau du visage et se propager au niveau du cou, ou commencer au niveau des mains puis se propager au niveau des bras. Une atteinte de toute la peau (vitiligo universel) est quelque chose qui reste rare, la plupart du temps les vitiligos sont localisés.

Le vitiligo peut-il apparaître à n’importe quel âge?

Dans 50 % des cas, les premières lésions apparaissent avant l’âge de 20 ans et dans 80 % avant l’âge de 30 ans.

Surtout si les personnes ont une peau très claire ou si elles ne s’exposent pas au soleil, les taches ne sont souvent pas détectées au début par les patients, contrairement aux personnes qui ont la peau beaucoup plus foncée.

Des traitements existent-ils aujourd’hui?

Pendant très longtemps, il n’existait pas de traitements spécifiques, c’est-à-dire spécialement conçus pour cette maladie. On prescrivait des séances de rayon ultraviolet B par lesquels on tentait de stimuler les éventuelles cellules restantes à produire de la mélanine. On essayait de freiner la propagation de la maladie par des crèmes à base de cortisone. Le tout durait longtemps, sans avoir la certitude d’avoir des résultats positifs, ce qui était frustrant pour nos patients.

Mais depuis un peu plus d’an, nous prescrivons une crème qui a été spécifiquement développée pour traiter cette pathologie. Ce traitement freine de manière efficace la réaction auto-immunitaire et permet aux précurseurs des mélanocytes de tout doucement repeupler la peau. Cette crème est remboursée à hauteur de 80 % et nous avons de très bons résultats. C’est une très grande avancée, parce que nous, les médecins, nous avions très souvent une frustration de ne pas pouvoir aider efficacement nos patients.

(Photo : Julien Garroy)

Si cette maladie reste bénigne, beaucoup de patients souffrent d’une stigmatisation sociale, notamment l’été.

Il y a, en effet, des répercussions physiques, comme des coups de soleil plus fréquents et psychiques. En effet, certaines personnes peuvent se sentir stigmatisées, regardées, surtout l’été quand elles sont bronzées et portent moins de vêtements et que le vitiligo est plus visible. Mais aujourd’hui, je pense qu’il y a tout de même plus de tolérance.

Il y a des mannequins qui sont atteints par cette pathologie et qui en font un atout. De plus, l’apparition du nouveau traitement, je pense, que cela va enfin aider de nombreux malades. D’ailleurs, j’en vois davantage au cabinet depuis le développement de cette crème.

Atteints du vitiligo, ils témoignent

Il y a un peu moins de trois ans, Éric Grosset, 62 ans, a appris qu’il était atteint de la maladie du vitiligo. «Au début, j’ai vu une petite tache blanche sur le côté de mon visage. Je suis allé voir mon généraliste qui soupçonnait cette pathologie. Le dermatologue me l’a ensuite confirmée», se souvient le sexagénaire. Au fur et à mesure des mois, la tache blanche se développe sur son visage. «Je me demandais quand ça allait s’arrêter, et si tout mon visage allait se dépigmenter», explique l’entrepreneur de profession.

À l’époque du diagnostic, aucun traitement spécifique n’existe pour traiter cette pathologie. «C’était assez frustrant», se remémore le Français résidant au Luxembourg. Mais il y a un an, un traitement novateur et attendu depuis très longtemps par les personnes atteintes du vitiligo a fait son apparition. «Je l’ai rapidement essayé. En quelques mois, j’ai déjà vu des améliorations. La pigmentation revient lentement. Mais c’est assez long», confie-t-il.

Un soulagement pour le sexagénaire qui avoue que cette pathologie n’est pas handicapante dans son quotidien. «Je peux comprendre que beaucoup de personnes soient touchées. Mais, moi, je n’ai jamais eu de remarques. Quand on me pose des questions, j’explique ce qu’est le vitiligo. Je pense qu’aujourd’hui, il y a une certaine tolérance à l’égard des personnes atteintes de cette maladie.»

«Une chance d’avoir un traitement efficace»

Solène*, quant à elle, a contracté le vitiligo durant son adolescence. «J’avais 12-13 ans. Au départ, j’ai commencé à avoir des taches au niveau du visage. Plus tard, j’en ai eu sur les genoux, les jambes et les doigts», raconte la jeune femme. Des années après l’apparition de ces premiers symptômes, Solène avoue «s’être habituée à la maladie. Je dois être prudente quand il y a du soleil. Je dois me protéger des rayons UV, c’est très important. Aussi, durant l’année, j’essaie de camoufler mes taches avec du maquillage», explique-t-elle.

Malgré cela, Solène affirme se sentir à l’aise avec son corps. «J’ai eu quelques remarques, mais de personnes que je connaissais, à la plage par exemple». Comme Éric Grosset, Solène utilise, depuis un an, le nouveau traitement conçu pour les patients souffrant du vitiligo. «J’ai des résultats très positifs. Dans certaines zones, 90 % de mon vitiligo a disparu. C’est une chance d’avoir quelque chose qui marche aujourd’hui».

*le prénom a été modifié