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Visite de chantier du nouveau tronçon : les CFL tracent leur avenir à double voie


Tout impressionne sur ce chantier de sept kilomètres. À commencer par le pont bow-string.

Sept kilomètres en transports en commun, cela paraît dérisoire. Mais lorsqu’il s’agit de créer les infrastructures adéquates pour permettre aux transports de se mouvoir, c’est une autre paire de manches. Les ingénieurs des CFL en font l’expérience au quotidien depuis neuf ans avec la mise à double voie du tronçon ferroviaire entre Bettembourg et la capitale.

Les travaux sont d’envergure, le chantier pharaonique, le dispositif impressionnant. Tout a été pensé dans les moindres détails par les ingénieurs des CFL pour optimiser la circulation des trains entre les gares de Luxembourg et de Bettembourg. Les représentants des médias ont eu l’occasion d’apprécier toute la rigueur nécessaire à la réalisation de cette nouvelle ligne ferroviaire qui doit révolutionner le trafic et rattraper les retards d’adaptation des infrastructures et les retards tout court.

Le tout en améliorant les capacités et la qualité de l’offre de transports ainsi que les services proposés par l’entreprise nationale, a promis, mercredi matin, Marc Wengler, son directeur général.

Équipés de chaussures de sécurité, de casques et de vestes orange, toute une délégation est donc allée découvrir ce chantier long de sept kilomètres. Entre 2005 et 2023, le nombre d’usagers du rail a doublé, mais pas les capacités de transport, malgré une augmentation des cadences roulées et des places à bord des trains.

Les infrastructures ne correspondant plus aux besoins actuels étaient un frein au développement de l’offre, de même que le tracé du réseau en lui-même. Sa forme en étoile avec ses lignes qui convergent toutes vers la bien nommée gare centrale et ses goulots d’étranglement – également présents dans d’autres gares – handicapait le trafic. Il suffisait d’un retard à un endroit du pays pour paralyser tout le réseau. Une révision était plus que nécessaire.

Elle a démarré sur le tronçon le plus fréquenté : celui qui mène vers le bassin minier et la France. Plus particulièrement entre Luxembourg et Bettembourg, où la ligne va être mise à double voie. Les trains de la ligne reliant la capitale à Rodange continueront de circuler sur leur voie d’origine, tandis que la nouvelle voie accueillera les trains en provenance du sillon lorrain et le TGV.

«Le concept sera appliqué au fur et à mesure dans toutes les directions», a annoncé Marc Wengler. Ce qui devrait considérablement renforcer la ponctualité des trains, mais aussi, entre autres, faciliter le trafic du fret. Les CFL prévoient notamment pour 2028 une augmentation de 50 % de places assises et jusqu’à huit trains par heure pour le sillon lorrain.

La gare de Howald s’apprête à devenir le pôle d’échange multimodal Howald.

Des prouesses de technicité

La mise en service technique et commerciale de ce nouveau tronçon aura lieu progressivement à partir de 2027. D’ici là, les CFL ont encore du pain sur la planche, comme nous avons pu le constater mercredi matin. Les sept kilomètres sont sans arrêt entre Bettembourg et la gare de Howald qui va elle aussi subir un lifting pour devenir un pôle d’échange multimodal, conformément à la stratégie MoDu du gouvernement. Cette dernière met en œuvre un concept de mobilité intégré combinant différentes manières plus ou moins douces de se déplacer.

La gare existante va être dotée d’un second quai et de voies supplémentaires et être raccordée à la nouvelle gare de triage et au nouveau centre de remisage et de maintenance, qui devraient être opérationnels d’ici le mois de mai 2026, ainsi qu’à la gare centrale. Le coût de cette extension, qui comprend également huit ouvrages d’art, des ouvrages hydrauliques et treize bassins de rétention d’eau, avoisine les 300 millions d’euros.

Et certains ouvrages valent le détour, comme le pont ferroviaire qui enjambe l’autoroute A3 à la hauteur de la croix de Gasperich. L’un des plus grands ponts à double arc d’Europe dans sa catégorie.

Il pèse 12 500 tonnes, fait 200 mètres de long et 18 mètres de large et sa réalisation a été une prouesse d’ingénierie, comme l’a expliqué Rui Raimundo, chef passionné par son projet et qui en souligne chaque détail comme l’artiste commente une œuvre d’art. Le majestueux pont en acier blanc se courbe gracieusement le long du tracé de la future voie ferrée.

Un autre ouvrage impressionnant de par sa hauteur et sa technicité est le pont baptisé «saut-de-mouton» qui se dresse à l’entrée ou à la sortie de Bettembourg, selon d’où on vient. Long de 540 mètres, il permet à la nouvelle ligne de croiser l’ancienne sans encombre et a été réalisé dans les règles de l’art. Comme tous les ouvrages visités mercredi matin. Sa réalisation bouclée en 2021 a nécessité la transposition de la ligne existante d’une trentaine de mètres.

En dessous de tous les ouvrages, une piste cyclable qui ailleurs longe toute la voie ferrée, «pour éviter un croisement» et «les points accidentogènes», précise Rui Raimundo qui n’a pas été avare en détails techniques. «En général, on pose les rails et ensuite, on équipe la ligne avec les équipements ferroviaires comme les caténaires et les câbles. Dans un souci de nous prémunir de futurs aléas, nous avons déjà commencé à poser les poteaux caténaires au plus tôt, en parallèle avec les travaux de génie civil. C’est une première. Les tronçons 3 et 4 sont à présent équipés. La pose des poteaux caténaires va démarrer sur le tronçon 2 en avril ou en mai 2025. Les fondations pour les accueillir sont en cours de finalisation sur le tronçon 1. Dans deux jours, nous allons commencer à poser les portiques», a assuré l’ingénieur à l’arrivée à la fin du troisième tronçon.

Le chantier est loin d’être terminé, même si les travaux de génie civil des tronçons 3 et 4 le sont presque. La conception de la ligne aura pris douze ans depuis le début de la planification en 2015.

Ils sont loin les petits trains d’antan. Aujourd’hui, les voies ressemblent à des autoroutes.

Des coups de «pousse»
à la nature

Parmi les ouvrages d’art compris dans le projet figure un passage à faune de 70 mètres de long sur 50 de large qui relie les zones naturelles de Hesperange et Kockelscheuer. Il sera agrémenté de 2 400 arbustes et garni d’habitats naturels. Une manière de compenser l’empreinte laissée par la nouvelle voie. «Nous avons 5 millions de points écologiques à compenser. Le passage à faune nous en apporte 140 000», précise Rui Raimundo. «Contrairement aux années 1980 quand l’autoroute a été construite et pour remédier aux erreurs faites à l’époque, nous devons respecter des mesures compensatoires. Il n’est plus possible aujourd’hui de planifier des projets sans se préoccuper des pertes écologiques. Cet aspect fait automatiquement partie intégrante de la planification.»

Ce que l’Homme retire à la nature d’un côté, il essaye de le lui rendre de l’autre. Parmi ces mesures compensatoires figurent une forêt qui sera plantée en octobre sur des terres de remblais, la renaturation de l’Alzette, la protection de deux ruisseaux ou encore la création de haies pour les oiseaux.

«Sur les talus où il est presque impossible que la végétation se réapproprie le terrain, nous allons lui donner un coup de pouce avec des mesures technico-biologiques. Nous allons planter différents types d’arbustes qui vont non seulement stabiliser les talus, mais aussi nous apporter des points écologiques», conclut l’ingénieur, optimiste.

Bettembourg : un pont va
en remplacer un autre

Le pont Emile-Hammerel, qui enjambait la gare de Bettembourg depuis près de 50 ans, a été détruit dimanche dernier. Trop abîmé, il laissera place à un tout nouvel ouvrage, plus moderne. Un projet complexe, dont l’étude a démarré en 2016, et qui va s’étaler jusqu’en mai 2025. Entretemps, jusqu’au 12 août, aucun train ne circule à Bettembourg et des bus de substitution sont mis en place. Les automobilistes, eux, devront prendre leur mal en patience jusqu’au mois de janvier prochain, quand le nouveau pont sera ouvert à la circulation.

Comme nous l’écrivions en mars dernier, la piste d’une rénovation, jugée trop coûteuse, avait été écartée par l’administration des Ponts et Chaussées. Un modèle bow-string a été retenu pour en finir avec les énormes piliers à proximité des voies ferrées et au milieu des quais de gare. Son tablier, d’une longueur de 80 mètres, sera soutenu par un arc pointant à 22 mètres de haut et une série de 44 haubans métalliques. Avec un entretien régulier, le nouvel ouvrage devrait durer un siècle.

Un emploi du temps perturbé

Des frontaliers témoignent de leurs conditions de travail en raison des chantiers sur la ligne vers le Luxembourg.

Loreline Rodius, 28 ans, prend les transports depuis septembre 2019 pour aller au Luxembourg. «Le 1er juillet 2022, je me souviendrai toujours de cette date! Depuis cette date, tous les jours de télétravail sont comptabilisés. Je suis bloquée par les 34 jours de télétravail par an maximum, donc je ne peux prendre qu’un jour par semaine. Tous les étés, c’est le bazar pour faire les trajets jusqu’à Luxembourg, mais c’est particulièrement compliqué cette année. Je mets deux heures chaque matin au minimum, alors que j’habite et que je travaille à côté des gares! Le soir, c’est le pire, je pars à 17 h 40 de mon bureau et j’arrive à 20 h 10 chez moi. On le ressent vraiment, je suis plus fatiguée et je fais plus d’erreurs que d’habitude. Je me lève à 5 h 30, donc je ne sors plus le soir, alors que c’est l’été. J’aurais envie de voir des amis, de sortir en terrasse.»

Julian Bohr, 29 ans, travaille au Luxembourg depuis quatre ans : «Avec les travaux, on a eu l’autorisation de faire plus de télétravail. On est passé à presque trois jours de télétravail. Je vais devoir payer la différence de jours en France avec cette organisation. Mais je voulais tellement faire du télétravail. Pour les deux jours où je vais au Luxembourg, mon employeur a mis en place des navettes privées qui partent de Thionville jusqu’au champ du Glacis. Je mets seulement une demi-heure de plus, mais j’ai des horaires très flexibles. Dans ma situation, les travaux m’arrangent presque.»

Margaux Baltus
(Le Républicain lorrain)

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