Tout le monde minimise. Prévenu et victimes présumées. Chacun semble avoir un intérêt particulier. Ivre, Refik est accusé de violences et de menaces sur son ancienne épouse et sa fille.
Une montagne patibulaire s’avance à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Refik, 61 ans, est du genre de ceux qu’on ne contrarie pas. Son ancienne épouse et sa fille en ont fait l’expérience en juin 2022, entre autres. Les deux femmes ont revu les faits à la baisse hier, tandis que le prévenu a contesté ce dont on l’accusait.
Il lui est reproché d’avoir tenté d’étrangler sa fille ainsi que d’avoir menacé de mort les deux femmes en leur disant notamment que leurs vies dépendaient de lui, qu’il connaissait des membres de la mafia albanaise et qu’ils allaient, entre autres, faire vivre les pires sévices au fils de son ancienne épouse. Elle-même rejette tout sur la consommation d’alcool de Refik.
«Il n’aurait jamais fait cela s’il avait été sobre. Il aime sa fille plus que tout au monde», souligne-t-elle. «Il était un peu moins gentil avec vous ?», veut savoir le juge. «Oui parce qu’il buvait régulièrement», répond la mère qui, après beaucoup d’hésitation, finit par dire qu’elle n’a jamais «pris au sérieux les histoires de mafia». «Quand il n’est pas saoul, il n’en parle pas. Il boit de la vodka en cachette.» Elle a quitté la barre sans y avoir été invitée, le visage fermé.
La fille, quant à elle, craint à présent qu’il n’arrive quelque chose à son père. Il est pourtant accusé de l’avoir prise à la gorge et d’avoir serré jusqu’à imprimer la trace de ses mains sur sa peau. «C’était il y a trois ans. Je ne me souviens plus de tout», temporise la jeune femme. «Je me souviens d’une dispute à cause d’une clé. Peut-être nous sommes-nous un peu rapprochés…»
Elle ne se souvient plus des blessures au cou et des menaces. «Il faudrait peut-être consulter, aller voir un spécialiste. Ce n’est pas normal de perdre la mémoire à votre âge», lui balance le juge. «Vous avez raconté autre chose à la police.» Tout ce dont elle se souvient, c’est que quand son père buvait, il parlait de la mafia albanaise…
Hier, Refik a expliqué ne pas «avoir été saoul au point de ne pas se souvenir de ces actes». Il avait bu deux verres de vin. Le jour des principaux faits, il aurait perdu patience parce qu’il ne trouvait pas une clé du domicile familial sans laquelle il n’aurait pu aller acheter du pain. Son ancienne épouse se serait moquée de lui et sa fille ne savait pas où se trouvait la clé en question.
«Pas un grand ours méchant»
Le ton est monté et, finalement, Refik aurait trouvé la clé sur la table de la cuisine. Son épouse aurait continué de se moquer de lui tout en lui barrant l’entrée de la pièce avec sa fille. «Je les ai poussées pour récupérer la clé», poursuit le prévenu. «Ma femme m’a dit que je ne sortirais pas.» «Finalement, il y a deux certificats médicaux d’établis», lui rappelle le juge. «Le médecin peut écrire ce qu’il veut», assure l’homme de 61 ans. «Je n’ai jamais voulu leur faire de mal.» Les menaces de mort et la mafia albanaise ? «Ridicule!»
Il faudra attendre le réquisitoire du procureur pour obtenir une version des faits plus crédible. Ivre, le prévenu aurait voulu aller continuer de boire au café. Sa fille aurait caché la clé du domicile pour l’en empêcher. Selon les déclarations de l’ancienne épouse à la police, son mari rentrait ivre deux à trois fois par semaine. «Le ministère public a grand mal à croire qu’elles n’ont pas eu peur des menaces. Cela ressort du dossier», précise sa représentante, qui pense que les deux femmes ont peur des représailles de la part du prévenu. «Il avait déjà reçu un avertissement du parquet en 2016.»
Elle conclut en requérant une peine de deux ans de prison et une amende appropriée. Elle ne s’est pas opposée à un sursis probatoire pour lui permettre de traiter ses problèmes d’agressivité.
Refik a été «séquestré dans sa propre maison» et «empêché de faire ce qu’il voulait» par une épouse qui «a poussé son niveau de tolérance à l’extrême», selon son avocat pour qui le prévenu «n’est pas un grand ours méchant» ami de mafieux. Il n’avait aucune intention de les blesser en les poussant, affirme l’homme de loi, qui invoque la clémence du tribunal. «Il voulait juste respirer un peu» dans un contexte familial tendu. «Dans son désespoir, il a répondu par des menaces. Il n’avait pas d’intention sérieuse de les mettre à exécution.»
Le prononcé est fixé au 5 juin prochain.