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Violences domestiques : un sursaut de vie pour sauver ses enfants


Une experte-psychiatre a jugé son récit crédible. Idem pour le représentant du parquet qui y voit des similitudes avec d’autres récits du même ordre.

Comme trop d’autres femmes, une jeune femme a été victime d’une relation de couple abusive. Son ex-mari ne s’est pas présenté à la barre pour répondre des violences dont elle l’accuse.

Elle raconte tout, en détail. Tout ce que Mahdi, son ex-époux, lui a fait subir pendant leur un peu plus de deux ans de relation. Les menaces de mort, les coups, les avortements, les allers-retours en foyer pour lui échapper, les mesures d’éloignement, le harcèlement, la peur, les promesses, les belles paroles, sa crédulité…

Le Tunisien, qui n’était pas présent vendredi matin à l’audience de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, a traumatisé la mère de famille et ses enfants issus d’une première union. Le couple se rencontre en mai 2020.

La jeune femme tombe rapidement enceinte, mais la lune de miel est de courte durée. Mahdi est jaloux, violent physiquement et psychologiquement. Malgré tout, elle accepte de l’épouser, croyant qu’il va changer. Lui veut, semble-t-il, juste obtenir un titre de séjour régulier.

Sous emprise, elle se laisse manipuler par peur des représailles et accepte les violences quotidiennes, selon son avocate. Jusqu’à ce qu’elle réalise que son silence met ses deux enfants en danger. «Elle est en état de stress constant depuis les infractions», souligne l’avocate.

«On ne peut pas lui reprocher d’avoir mis du temps à réagir.» Comme la plupart des victimes de violences domestiques, elle ne parvient pas à s’expliquer pourquoi elle est restée. Un mélange de sentiments se bousculent dans sa tête.

Mahdi lui aurait interdit de «vivre normalement» en l’isolant. «Je ne pouvais parler à personne. Il contrôlait tout», explique la jeune femme avant de citer comme exemple un fait remontant au 23 juin 2020. «J’étais au parc avec les enfants. J’étais enceinte. Je discutais avec d’autres parents. Il me surveillait et est venu me chercher. Il a prétexté que le couple était échangiste.»

La suite n’est que représailles. La jeune femme aurait essuyé des coups. Le lendemain, il l’aurait empêchée de quitter son domicile pour accompagner ses fils à l’école. Elle trouve malgré tout un prétexte et se réfugie dans un foyer.

«J’ai cru qu’il allait me tuer»

Beau parleur, il parvient à la convaincre de revenir auprès de lui et d’annuler la plainte qu’elle avait déposée. Le cauchemar reprend de plus belle et la jeune femme aurait échafaudé des plans de fuite avec sa sœur pour se sortir de la situation.

Jusqu’au dérapage de trop, le 20 août 2022. Ce jour-là, son fils aîné dévoile par mégarde qu’elle les a accompagnés, lui et son père, à la piscine pendant que Mahdi séjournait en Tunisie. «J’ai cru qu’il allait me tuer», raconte la jeune femme.

Jaloux et l’accusant d’infidélité, il se serait précipité sur elle avec un couteau avant de tenter de l’étrangler. L’attaque aurait eu lieu devant le petit garçon qui aurait essayé de s’interposer. Enceinte, elle court se réfugier dans la cuisine du café voisin. Il lui lance une bouteille à la tête avant de la suivre. Les serveuses sont contraintes de prévenir la police. Cette fois, c’est le déclic. La jeune femme décide de ne plus être une victime.

Elle choisit de disparaître de la vie de Mahdi sans laisser d’adresse et de demander le divorce. Lui essayera encore quelque temps de l’atteindre pour récupérer son emprise sur elle. Sans succès.

«La police m’avait conseillé de la prévenir s’il était dans le coin», rapporte la jeune femme qui s’est constituée partie civile et a réclamé plus de 30 000 euros d’indemnisation pour les préjudices subis. Juste avant, une experte-psychiatre avait établi que son récit reposait sur du vécu et était crédible.

Le procureur a, en tout cas, choisi de la croire. Il a reconnu dans le parcours conté par la jeune femme toutes les étapes et les mécanismes des relations de couple marquées par la violence.

Jugeant les faits très graves et l’homme très dangereux, il a requis une peine de 5 ans de prison ferme et une amende à son encontre.

Le prononcé est fixé au 4 juin prochain.