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Violences domestiques : la victime préfère «ne rien dire» contre son père


Témoigner contre un membre de sa famille n’est pas chose aisée. Certains témoins préfèrent se taire et accepter leur statut de victime.

Elle a porté plainte contre son père à plusieurs reprises. Face aux juges et à son père qui nie les accusations, elle préfère se taire et passer pour instable sur le plan psychologique.

Ils sont arrivés à trois au tribunal et sont repartis à trois du tribunal comme une parfaite petite famille unie. Pourtant, les agressions reprochées à Fouad à l’encontre de sa fille et de son épouse laissent supposer tout le contraire.

À la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier, le père de famille d’origine égyptienne a rejeté les accusations en bloc, son épouse biélorusse a minimisé les faits et sa fille a refusé avec véhémence de s’exprimer sur le sujet.

Si, souvent, les victimes de violences préfèrent garder le silence par peur de représailles, comme l’a souligné le parquet, très rares sont cependant celles qui prennent des photographies de l’audience pour les envoyer à leur petit ami.

Il est interdit, comme le rappellent des autocollants à l’entrée des salles d’audience, de prendre des photographies, d’enregistrer ou de filmer, comme ce fut le cas de la fille du prévenu. Sur demande du juge, un des policiers présents dans la salle a vérifié le smartphone de la jeune femme de 20 ans et a effacé deux photographies et une courte vidéo qu’elle venait d’envoyer.

Cette initiative, ainsi que son attitude à la barre, pourraient prouver le caractère rebelle de cette victime présumée et renforcer la théorie de la défense de Fouad, selon laquelle la jeune femme présente des problèmes psychologiques qui l’auraient amenée à accuser son père à tort.

Alors que le représentant du parquet a réclamé 30 mois de prison avec sursis à l’encontre du père de famille, Me Alex Penning a plaidé en faveur de son acquittement pour les six faits qui lui sont reprochés. «Sa fille n’est pas crédible», a estimé l’avocat après avoir donné lecture de rapports psychiatriques. La jeune femme a déposé trois plaintes à l’encontre de son père et en a retiré deux. «Ce qui témoigne de son caractère bipolaire», a habilement manœuvré Me Penning.

La défense charge la fille

Les faits s’étalent entre le 31 janvier dernier et novembre 2021. Il s’agit d’insultes, de menaces – certaines de mort – et de coups et blessures volontaires. Le 31 janvier dernier, elle se serait interposée entre son père et sa mère. Les policiers arrivés au domicile familial ont trouvé deux femmes apeurées et un prévenu agressif et sous l’emprise de l’alcool.

«Son épouse s’est cachée derrière nous pour rentrer dans la maison», a rapporté un inspecteur présent ce soir-là. «Nous avons pris sa déposition trois jours plus tard. Il ne se souvenait plus de rien.» Contrairement à son épouse et à sa fille qui ont profité de l’occasion pour se plaindre de Fouad.

Hier matin, la mère de famille de 50 ans a accusé les policiers d’avoir exagéré leurs confessions. «Ce n’était pas aussi grave. Ce n’était rien», a-t-elle répondu à la présidente de la chambre correctionnelle qui venait de lui lire ces dépositions.

«J’ai inventé certaines choses parce que je paniquais», répond-elle. «Soit vous mentez sous serment et vous risquez une peine d’emprisonnement, soit vous avez menti le 31 janvier. Les policiers n’ont pas pu inventer cela. Je ne crois pas un traître mot de ce que vous racontez», a tenté la juge avant de baisser les bras et de passer à l’audition de la fille du couple. Mais avec elle aussi, la juge fera chou blanc, cette dernière préférant ne rien dire.

La défense ne peut que se frotter les mains et laisser le doute s’installer dans l’esprit des juges. Les seules preuves des violences sont les accusations de la mère et de sa fille. Les policiers n’ont constaté aucune blessure et aucun rapport médical n’en atteste.

Tout semble jouer en faveur de Fouad, mais le représentant du parquet est convaincu du contraire. Il se base sur la bonne foi et l’impartialité des policiers pour le démontrer. «Les infractions ressortent du dossier», selon lui. «Les victimes présumées avaient peur du prévenu.»

Et c’est cette peur du retraité de 69 ans qui a pu dicter leur conduite à la barre. «Vous vivez encore avec votre mari, ce qui explique beaucoup de choses. On voit souvent cela ici», avait lancé la juge à l’épouse avant de faire part, agacée, de son expérience à la fille.

Les victimes qui défendent leur agresseur s’exposent à une escalade des violences et des manipulations de leur part. «Il peut se passer des choses bien plus graves.»

Le prononcé est fixé au 8 mai.