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Violences domestiques : comment expliquer la baisse des expulsions?


Action de sensibilisation dans les rues d’Ettelbruck lors de la dernière Orange Week. (Photo : illustration/didier sylvestre)

Alors que le nombre d’interventions de la police pour violences domestiques est en augmentation au Luxembourg, les expulsions, elles, ont tendance à stagner ces dernières années. Un paradoxe qui interroge.

Rendu public il y a quelques semaines, le rapport 2023 du Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence dresse un laborieux état des lieux des violences domestiques dans le pays (lire notre édition du 26 juin). Au fil d’une avalanche de chiffres bruts fournis par plusieurs institutions et associations, sans véritable travail d’analyse, le document de 42 pages ne permet pas de se faire une idée claire de la situation. Une base pourtant indispensable.

Dans le flou de cet inventaire, une curiosité a particulièrement retenu l’attention du député Marc Baum (déi Lénk) : tandis que le nombre d’interventions policières a grimpé de plus de 20 % entre 2014 et 2023, le nombre d’expulsions, lui, a reculé puis stagné. «Or, la population ayant augmenté d’environ 18 % sur la même période, on s’attendrait plutôt à une hausse du nombre d’expulsions», fait-il remarquer dans une question parlementaire.

Il demande donc si les critères retenus par le parquet pour ordonner une expulsion dans le cas de violences domestiques ont été modifiés ces dernières années. Mais, dans leur réponse commune, les ministres Elisabeth Margue (Justice), Yuriko Backes (Égalité des genres) et Léon Gloden (Affaires intérieures), assurent que non.

Des procédures et des critères inchangés depuis 2014

Tous trois affirment que «ni les critères d’expulsion, ni les procédures internes aux parquets n’ont changé depuis 2014». Certains magistrats de la section Jeunesse/Famille y travaillent même depuis plusieurs années et sont constants dans leur appréciation des dossiers, ajoutent-ils.

Selon eux, il faut distinguer les rapports d’intervention pour violences domestiques, qui sont dressés par la police et adressés au substitut de permanence – de jour comme de nuit – pour demander une expulsion s’il y a un danger immédiat, et les procès-verbaux constatant les infractions commises lors des violences, adressés au parquet puis distribués à un magistrat spécialisé. «Toute intervention en matière de violences domestiques conduit à l’établissement d’un rapport d’intervention, mais toute intervention ne donne pas systématiquement lieu à une expulsion», concluent-ils.

Marc Baum souligne aussi le fait qu’une partie des interventions policières pour violences domestiques ne donnerait lieu à aucun rapport. Une situation maintes fois constatée sur le terrain par ceux qui recueillent la parole des victimes, dont l’association La Voix des Survivant-e-s, qui avait notamment pointé ce problème face à la ministre de la Justice lors d’une entrevue en avril. Selon sa présidente Ana Pinto, c’est par manque de formation sur les mécanismes de la violence que les agents de police auraient du mal à estimer la gravité des faits.

«Une plus grande prise de conscience»

Hypothèse balayée par les membres du gouvernement : «Chaque intervention de police en matière de violence domestique donne lieu à un rapport communiqué au substitut de service», certifient-ils. «Le ministère public n’a aucune connaissance d’un phénomène récurrent d’interventions policières non suivies de rapports ou de procès-verbaux.» Et les représentants du service agréé d’assistance aux victimes de violence domestique au Comité de coopération – le SAVVD, géré par Femmes en détresse – «n’ont pas fait état d’un tel phénomène», confirment-ils.

Pour les trois ministres, le paradoxe de ces chiffres pourrait s’expliquer simplement par «une plus grande prise de conscience du caractère inacceptable des violences domestiques, même les plus légères, amenant la police à être appelée pour des incidents où il n’y a pas d’indice de risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique».

Ils rappellent pour finir trois mesures concrètes annoncées fin juin : un renforcement du cadre légal concernant la récidive, un plan d’action national «Violences fondées sur le genre», et l’ouverture d’un centre national pour les victimes.