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Viol et attentat à la pudeur : «Je sais que tu m’aimes»


La victime présumée a produit un élément inédit à l’audience. (Photo : archives lq/julien garroy)

Haris est accusé de viol et d’attentat à la pudeur avec violence par sa maîtresse. Elle aurait obtenu des aveux en l’enregistrant secrètement lors d’un ultime rendez-vous.

Haris se retrouve-t-il face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg par vengeance amoureuse ou parce qu’il a essayé de tirer profit de l’amour que lui portait Estelle? Un enregistrement – élément inédit dont le parquet, le tribunal, l’enquêteur de la police et la défense n’avaient visiblement pas connaissance avant hier après-midi – renfermerait les aveux du trentenaire qui contestait jusqu’à présent les faits. Ce que la jeune femme estime être une preuve de son agression peut constituer une violation de la vie privée. La défense a refusé que cet élément obtenu illégalement à l’insu du prévenu soit versé au dossier. Elle met en avant ses difficultés à s’exprimer en français.

Haris et Estelle se sont rencontrés à l’école que fréquentaient leurs enfants. Leurs rapports évoluent et ils entament une relation. Jusqu’à ce que la compagne officielle du prévenu se fasse connaître de la jeune femme. Estelle coupe les ponts tandis que le prévenu lui propose de poursuivre leur relation en secret. Jusqu’au soir du 26 juin 2020, où la jeune femme s’est laissé convaincre de le rejoindre à son domicile pour lui traduire un courrier.

« Je n’avais aucune raison de me méfier »

«Je devais rester devant chez lui puis rentrer rejoindre mes enfants. Mais la lettre était à l’intérieur. Je n’avais aucune raison de me méfier», explique Estelle à la barre. «Il touchait ma jupe, ma cuisse… J’ai senti qu’il allait se passer quelque chose. J’ai voulu abréger cela au plus vite. La seule chose à laquelle je pensais était de me sauver. Je lui ai dit maintes fois que je ne voulais pas.» Alors qu’il la pénètre, la jeune femme de 35 ans serre sa chaîne en or de toutes ses forces pour le forcer à la libérer de son étreinte.

Rien ne permettrait de conclure dans ce récit qu’il ne s’appuie pas sur un vécu authentique, selon le psychiatre qui a réalisé l’expertise de crédibilité de la victime présumée. «Dès que j’ai su qu’il avait une compagne, c’était fini pour moi», note Estelle qui avait exigé l’exclusivité de la relation et de la vivre ouvertement.

Une question de contexte

«Je sais que tu m’aimes», a-t-elle écrit au prévenu lors d’un échange dans les heures qui ont suivi les faits avant de changer de ton et de porter plainte. Cette succession de messages échangés intrigue les enquêteurs et la 9e chambre correctionnelle. «Je pense que je n’avais pas bien réalisé ce qui s’était passé», indique Estelle. Par la suite, elle a essayé de renouer une relation avec Haris. «J’ai culpabilisé», explique-t-elle. Elle accepte de le revoir à plusieurs reprises et a un rapport sexuel avec lui, résume l’expert qui relate ses dires.

«On a discuté assis sur le lit et puis elle est partie», témoigne le prévenu. Il n’y a, maintient-il, pas eu de rapport sexuel. Estelle l’a accusé par jalousie pour «que je ne puisse plus avoir d’autre compagne». «Si elle est une menteuse, pourquoi a-t-il repris une relation avec vous?», interroge la présidente. «Elle a insisté pour que nous restions ensemble et m’a même demandé en mariage», répond le prévenu. «Cela ne fait aucun sens», rétorque la présidente. « Les choses ne vous auraient-elles pas échappées ce soir-là? Vous n’avez pas compris qu’elle ne voulait pas de relation et vous êtes allé trop loin?» «Je sais que je ne l’ai pas fait», affirme Haris lapidaire.

Absence d’aveux et de repentir

«S’il n’est pas question de viol dans les SMS échangés, de quoi parliez-vous?», se demande le substitut du procureur qui cite : «Il est interdit de faire ce que tu as fait». «Elle parlait de tromper ma femme», avance le prévenu. Le magistrat a estimé qu’Haris «a profité de la situation» jusqu’à ce que la jeune femme «encore amoureuse» ne réagisse plus violemment et lui fasse craindre de se faire prendre par sa fille qui dormait dans la chambre voisine. Ses réactions seraient identiques à celles des victimes de violences domestiques.

Il y a bien eu viol, selon lui. «Le fait que la victime ait été amoureuse de lui n’enlève rien aux faits.» En l’absence d’aveux et de repentir de la part de Haris, il requiert une peine d’emprisonnement de 3 ans. Il estime que malgré un casier judiciaire vierge, le prévenu ne mériterait pas de sursis intégral.

«Il est interdit de faire ce que tu as fait.» La victime présumée a déjà écrit cette phrase quand elle a appris l’infidélité du prévenu le 12 juin 2020, révèle l’avocate de la défense en décortiquant les messages échangés par les amants. «Elle essaye de lui faire avouer quelque chose», avance-t-elle. «Subitement, comme si elle venait de comprendre qu’il ne quitterait jamais sa compagne officielle.» Il ne s’agissait que de déclarations d’une femme blessée qui a voulu se venger et «en faire voir de toutes les couleurs» à Haris, selon l’avocate qui a plaidé la relaxe à l’égard du prévenu.

Le prononcé est fixé au 8 décembre.