Poursuivi pour viol sur un mineur de 14 ans en 2008, l’ancien curé de Belair avait été acquitté en première instance. Son procès en appel s’est ouvert mardi.
L’ancien curé de Belair avait été acquitté le 20 décembre 2016. Dans son jugement, la 13e chambre criminelle retenait qu’il y avait bien eu un acte de fellation, mais estimait que la preuve de l’absence du consentement du mineur de 14 ans n’avait pas été rapportée. Le parquet avait interjeté appel le jour même.
C’est dans une salle pleine à craquer que le premier procès de l’ancien curé de Belair avait eu lieu fin 2016. Mardi après-midi, le public était de nouveau au rendez-vous. Une petite demi-heure avant le début du procès, les premiers franchissaient déjà la porte de la grande salle d’audience. Quelques minutes avant qu’Emile A. ne prenne place dans le box des accusés.
Les faits reprochés à l’homme d’Église, âgé aujourd’hui de 60 ans, remontent à début novembre 2008. À l’époque, le curé accompagnait un groupe de jeunes à Taizé en France. Lors de son procès de première instance, il avait reconnu avoir eu des interactions sexuelles avec le mineur de 14 ans. «Je conteste lui avoir fait une fellation. Il m’en a fait une, s’était défendu Emile A. Cela s’est fait dans le consentement. Je n’ai rien fait qu’il ne voulait pas.» À noter que seul le viol sur le mineur était reproché au curé suspendu. Car les attentats à la pudeur étaient prescrits.
Au premier jour de son procès en appel, la parole était d’abord au parquet général par rapport à son appel de l’acquittement. Les juges de la 13e chambre criminelle n’avaient en effet pas suivi les réquisitions du ministère public qui avait requis sept ans de réclusion. Dans leur jugement, ils retenaient l’élément matériel de viol constitué en l’espèce par l’acte de fellation. Or en 2008, date où l’infraction a été commise, l’article 375 du code pénal (dans sa version antérieure à la loi de 2011) fixait l’âge pour pouvoir donner son consentement libre à un acte de pénétration sexuelle à 14 ans accomplis. Dans leur décision, les juges avaient constaté que la preuve de l’absence de consentement n’avait pas été rapportée par le ministère public.
«À tort, la chambre criminelle a constaté que la charge de la preuve n’est pas établie», a estimé l’avocat général Marc Harpes, mardi après-midi, avant de démonter l’argumentaire des premiers juges. Pour le parquet général, l’enfant tout juste âgé de 14 ans n’était en effet pas dans l’état de donner son consentement libre : «L’absence de consentement résulte de la différence d’âge entre l’auteur et la victime, la qualité de l’auteur et la personnalité de la victime.» Il rappelle qu’au cours des débats, le garçon avait été décrit comme «timide, isolé et solitaire».
Me Vogel : «Cela se lit comme une vengeance»
L’avocat général doute de la crédibilité du prévenu ayant changé plusieurs fois de version au cours de l’instruction : «Pourquoi ne mentirait-il pas par rapport à qui a eu l’initiative?» «Si le jeune a participé c’est qu’il était intimidé. Il avait toutes les raisons de l’être, poursuit-il. Totalement dépassé, il a participé de manière machinale.» L’avocat général estime que le prévenu a le comportement classique d’un auteur d’abus sexuels. «Il cherche à rejeter la faute sur la victime. La seule chose qui l’intéresse c’est que le fait ne soit pas rendu public.»
Le parquet général requiert cinq ans de réclusion contre le sexagénaire. Il se rapporte à la sagesse de la Cour d’appel en ce qui concerne l’octroi d’un sursis probatoire avec l’obligation d’indemniser la victime. Mardi, Me Albert Rodesch a réitéré la demande de la partie civile. «Personne n’a cru l’enfant. Voilà l’erreur dans le jugement», considère-t-il.
Me Gaston Vogel, l’avocat de la défense du prévenu, s’est attaqué à la recevabilité de l’appel du parquet. Il demande son annulation et la confirmation du premier jugement. «Le jugement a été frappé d’appel quatre heures après le prononcé», argue Me Vogel. Selon lui, le parquet a agi intempestivement sur un coup de colère : «Cela se lit comme une vengeance.» Les débats doivent s’achever vendredi matin.
Fabienne Armborst