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[Vins de la Moselle] Vin de glace, une aventure de lève-tôt !


La production de vin de glace exige d'aller cueillir les grappes dans le froid... avant les premiers rayons du soleil (Photo : archives RL).

Mardi, juste avant le lever du soleil, par -7 °C, Henri Ruppert a vendangé des raisins glacés sur la Moselle. Une aventure de lève-tôt ! Mais un peu déçu par leur qualité, le vigneron n’en fera pas du vin de glace.

Le vin de glace est sans doute la spécialité la plus extraordinaire de la Moselle. Pour avoir la chance d’en produire, il faut absolument que la température tombe sous les -7 °C : c’est la loi, les raisins doivent être intégralement pris dans la glace. Si les conditions sont réunies, le vigneron doit sans tarder envoyer au pressoir ses baies gelées. La présence de la glace permet d’obtenir un jus très concentré, puisque l’eau ne s’est pas écoulée à l’extérieur de la machine. Il s’en suit logiquement un vin sucré porteur également de beaucoup d’acidité, ce qui le différencie du vin de paille par exemple.
Au cours d’un millésime 2018 détonnant où les records de chaleur ont été battus, il paraît invraisemblable que toutes les conditions aient été réunies pour produire aussi du vin de glace. Ça a pourtant été le cas lors de cette semaine bien froide. Dès lundi, le mercure frôlait les -7 °C à Schengen, mais Henri Ruppert préférait attendre le lendemain où des températures encore plus basses étaient annoncées.

Course contre le soleil

Cette nuit suivante, le vigneron a du mal à dormir et regarde tant son ordinateur que le ciel : «À 3 h 30, la station météo de Remerschen annonçait -7 °C et le ciel était très clair : je me suis dit que c’était le moment !» Il sonne alors le rassemblement et une vingtaine de vendangeurs rappliquent un peu plus tard. Une vingtaine, c’est tout de même une sacrée troupe à motiver par des températures et une heure pareille ! «Il faut cela parce que la température la plus froide est toujours enregistrée juste avant le lever du soleil, explique Henri Ruppert. Il faut donc profiter au maximum de ce moment mais surtout avoir terminé avant les premiers rayons qui réchauffent tout de suite l’atmosphère, d’autant que des nuages arrivaient.» En une heure, l’affaire était réglée. À 8 h 15, les caisses remplies de riesling prenaient la direction de la cave.
Mais malheureusement, ce vin d’hiver ne tient pas toutes ses promesses. Henri Ruppert, qui n’est pas né de la dernière pluie, s’y attendait un peu : «Nous sommes presque en février, ce qui est très tard…» La meilleure chose qui puisse arriver à un vigneron qui a gardé quelques rangées de raisins au cas où, ce sont de fortes gelées dès le début de l’hiver, là où les raisins sont encore à leur meilleur. Car plus le temps passe et plus les baies se dégradent. «La chair des raisins a été lavée par la pluie, il ne restait parfois plus grand-chose sous la peau», regrette-t-il.

«Le taux de sucre n’est pas énorme»

Au final, il récolte tout de même 400 litres, ce qui est beaucoup, mais la qualité du jus ne lui plaît pas. «Le taux de sucre n’est pas énorme (115 ° Oeschsle) et, surtout, il n’y a pas assez d’acidité, alors qu’elle devrait être forte, au contraire.» En perfectionniste qu’il est, Henri Ruppert décide donc de ne pas le qualifier en tant que vin de glace. «Le dernier est le 2016 et j’en ai encore, relève-t-il. Celui-là est un grand vin de glace. Je n’ai aucune envie de mettre ce que donnerait ce 2018 à côté du 2016.»
Que va-t-il faire de cette vendange hivernale 2018 ? «Pour l’instant, je ne sais pas encore, reconnaît-il. Je vais le vinifier en tant que tel et je verrai ce que cela donne. Sans doute que je l’ajouterai en partie aux vendanges tardives, mais je ne peux pas dire aujourd’hui dans quelle proportion.»
Malgré cette déception, Henri Ruppert assure n’avoir aucun regret car il sait qu’il tient déjà son vin d’exception pour le millésime 2018 : sa sélection de grains nobles récoltée à la fin du mois d’octobre (lire notre édition du 27 octobre). «Ce vin-là sera extraordinaire, j’aurai quand même un top vin cette année et j’en suis très content!» Il sait bien, de toute façon, qu’il ne faut pas compter sur le vin de glace : «C’est toujours la loterie. Vouloir gagner là-dessus, c’est comme jouer au casino!»
Voilà donc officiellement la fin des vendanges du millésime 2018. Il n’y a désormais plus de raisins dans les vignes : tout est en cave. Et cela n’est pas pour déplaire à Henri Ruppert : «Aussi bonnes qu’ont été les vendanges, cela fait quand même du bien quand ça se termine…» Un grand ouf après beaucoup d’efforts !

Erwan Nonet