Le domaine Mathis Bastian (Remich) vient de remporter deux médailles d’or dans un prestigieux concours japonais. Le pays du Soleil levant s’entiche des reflets mosellans ! L’occasion d’infiltrer un nouveau marché ? Pas si simple, rétorque Anouk Bastian.
Le sakura est l’un des emblèmes du Japon, il s’agit du fameux cerisier et de ses fleurs que l’on retrouve là-bas sous toutes les déclinaisons. Ce symbole évoque le caractère transitoire de la vie : la fleur naît, s’épanouit magnifiquement, puis fane avant d’être dispersée aux vents. En Europe, cette idée était notamment reprise chez les peintres flamands du XVIIe siècle avec leurs vanités, des natures mortes prisées du temps de la Réforme qui portaient également le thème de la brièveté de l’existence. Les verres de vin, d’ailleurs, n’étaient pas rares sur ces toiles. Ils illustrent le concept de la vanité des plaisirs.
Est-ce pour évoquer cette béatitude fugace propre à la dégustation des grands vins que le concours Sakura Japan Women’s Wine Awards a choisi cette référence ? Sans doute !
Des accords royaux avec l’auxerrois
Eh bien le cerisier, cette année, il s’est épanoui sur les hauteurs de Remich. Le domaine Mathis Bastian vient de se voir attribuer deux médailles d’or, une pour son auxerrois Remich Goldberg 2015 et une pour son riesling Primerberg grand premier cru 2014. Forcément, la vigneronne Anouk Bastian est ravie de voir les qualités de ses vins louées de l’autre côté du globe, qui plus est dans un pays dont les connaisseurs sont particulièrement pointus.
«C’est par l’intermédiaire d’un Japonais qui est passé par la Cave des sommeliers, à Steinfort, que nous avons décidé de participer à ce concours, explique-t-elle. Il est d’abord venu au domaine pour découvrir nos vins et il nous a convaincus d’envoyer des échantillons.»
Le choix des deux bouteilles n’était évidemment pas le fruit du hasard. Il y a quelques mois, le domaine avait organisé une après-midi sushis en collaboration avec le restaurant Ikki et certains flacons s’étaient montrés particulièrement à l’aise. «L’auxerrois se mariait le mieux avec les sushis, se souvient Anouk Bastian. C’est intéressant parce que cela donne un nouvel élan à ce cépage typiquement luxembourgeois qui reste trop méconnu. D’autant qu’il se garde superbement bien!» L’autre grand gagnant de cette expérience est le riesling Primerberg : «Un vin flatteur, aux notes d’agrumes, qui offre à la fois un beau fruité et une belle minéralité, détaille la vigneronne. Il plaît même aux amateurs de pinot gris !»
De cette reconnaissance nette et sans bavure par un concours réputé va-t-il découler l’ouverture d’un nouveau marché pour le domaine ? «Tout est encore très frais et il faut rester modeste et calme, relativise Anouk Bastian. Notre personne de contact au Japon vient toutefois de nous demander beaucoup de détails sur le domaine, car la clientèle japonaise est très avertie. Nous verrons bien comment cela va se passer…»
Transformer cette opportunité, en tout cas, la ravirait. «Il faut s’ouvrir au monde, aller vers les autres, affirme-t-elle. Mais il faut bien être conscients que l’on fait de très bons vins dans le monde entier. Nous sommes loin d’être tout seuls !»
Les Japonais aimaient déjà le domaine
Mais c’est un fait que le domaine est apprécié par les Nippons. «Je ne sais pas pourquoi, mais nous avons pas mal de visiteurs japonais. Nous devons être très bien référencés par Google !», plaisante la vigneronne. Tout ne tient cependant pas au hasard. Anouk Bastian, par exemple, a traduit ses dépliants en japonais. Lorsque des visiteurs venus du pays du Soleil levant débarquent à la Luxembourg House – où son auxerrois est justement référencé –, le contact se crée immanquablement. L’an passé, le domaine a également été choisi pour figurer dans un documentaire présentant le Grand-Duché sur une chaîne de télévision nationale.
Les médailles du Sakura Japan Women’s Wine Awards seront remises lors du Foodex, le plus grand salon de l’alimentation en Asie, mardi prochain. Des prix spéciaux seront également décernés ce jour-là et il n’est pas interdit de croire que le domaine Mathis Bastian puisse y glaner une nouvelle récompense…
Erwan Nonet