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Villa gallo-romaine de Goeblange-Miecher : «Il reste encore beaucoup de mystères»


Le temps d’un camp d’été, de jeunes Luxembourgeois accompagnés d’archéologues néerlandais amateurs continuent de fouiller le site de la villa gallo-romaine.

Depuis sa découverte en 1964, la villa gallo-romaine de Goeblange-Miecher ne cesse d’être fouillée chaque année, notamment lors des camps d’été de l’ASBL qui gère ce site archéologique majeur.

Dans un virage sur la route qui mène du village de Goeblange à celui de Septfontaines, dans le canton de Capellen, il faut être vigilant afin de ne pas rater le discret sentier qui mène à des vestiges archéologiques pourtant exceptionnels : ceux de la villa gallo-romaine de Goeblange-Miecher.

Le mince parking à l’entrée ne laisse pas présager un tel site, d’autant plus qu’il faut s’enfoncer dans les bois avant d’apercevoir le premier panneau explicatif.

L’histoire du site

Le site du «Miecher» aurait été habité dès la préhistoire, d’après les haches en pierre et les outils en silex qui y ont été trouvés. Les réelles traces d’habitat remontent à l’âge du bronze tardif (entre -1 400 et -800 avant J.-C.) et des trous de poteaux témoignent du passage à l’âge du fer (de -800 au Ier siècle après J.-C.).

La conquête romaine marque le début d’une nouvelle période durant laquelle de premières constructions en pierre sont réalisées.

Grâce au sol fertile, la villa connaît son âge d’or au milieu du IIIe siècle et comptait au moins treize bâtiments : demeure de maître, thermes, forge, brasserie et mausolée.

Vers la fin du IIIe siècle, les invasions germaniques transforment la maison en forteresse, puis la villa connaît un second essor, avant d’être abandonnée entre la fin du IVe siècle et le début du Ve siècle. En ruine, elle se transforme en carrière à partir du XIIe siècle.

Cette forêt, c’est la Miecher dont le nom fait écho à son riche passé puisqu’il provient du mot latin «macieres», l’équivalent de «murailles» ou de «ruines».

Ce mercredi 6 août, le calme ordinaire qui y règne était quelque peu perturbé par des bruits provenant de la villa, encore animée 1 700 ans après le départ de ses derniers occupants à la fin du IVe siècle.

Des bénévoles qui mettent du cœur à l’ouvrage

Sous le soleil ou à l’abri des arbres, une trentaine de personnes sont actuellement en train de creuser aux quatre coins du site. Un spectacle qui peut surprendre.

En effet, le site est aussi bien un lieu accessible aux touristes que le théâtre de fouilles. Et cela depuis des décennies, tant la terre n’a pas fini de livrer ses secrets.

«Cela fait 35 ans que nous organisons chaque année un camp d’été avec des jeunes afin de réaliser des fouilles», explique Jacques Bonifas, le président de l’ASBL D’Georges Kayser Altertumsfuerscher, nommée en hommage à Georges Kayser, le curé de la paroisse locale qui a découvert les vestiges en 1964.

Bien que la plupart des bâtiments de la villa aient été restaurés, le site continue d’être fouillé toute l’année.

Fondée en 1989, l’association est composée de bénévoles passionnés qui ne chôment pas : gestion du musée à Nospelt, camp annuel de fouilles pour jeunes, journées portes ouvertes, expositions, conférences, publication d’une revue annuelle, inventaire et restauration des trouvailles.

«Dès qu’il fait beau, vers avril, on fouille tous les mardis et samedis, et ce, jusqu’en novembre.» Un véritable travail de professionnels pour la préservation du patrimoine national qui a d’ailleurs été salué par le Grand-Duc lors de sa visite en juin dernier.

L’archéologie comme héritage

Outre la fouille, l’un des piliers de l’ASBL est la transmission de la fièvre archéologique au travers des camps d’été pour jeunes. Ilàn, originaire de Nospelt, en est l’exemple parfait.

«J’ai commencé à fouiller ici depuis l’âge de 12 ans, étant passionné d’archéologie depuis tout petit», raconte-t-il, pelle à la main.

Désormais âgé de 20 ans, il vient de commencer des études d’archéologie à l’université de Fribourg, avec comme spécialité les provinces romaines dont il a pu découvrir l’héritage à Goeblange. «Ils viennent ici tout jeunes, puis deviennent nos chefs après», plaisante Jacques Bonifas.

Depuis ses 12 ans, Ilàn participe aux camps d’été. Il vient de commencer des études d’archéologie à Fribourg.

Malgré toute leur bonne volonté, les jeunes Luxembourgeois ne peuvent mener seuls l’exploration d’un site qui compte 7 hectares. Ils partagent alors le camp avec des Néerlandais issus de l’association A.V. Philips van Horne.

«C’est la sixième année que nous venons ici pour donner un coup de main», indique José Salhi, documentaliste, mais archéologue amateur depuis 40 ans. Pour eux aussi, il est question d’héritage de génération en génération : «La plupart d’entre nous avons commencé en tant qu’étudiants et maintenant, on amène avec nous nos enfants».

«Un endroit exceptionnel en Europe»

Présente pendant deux semaines, la joyeuse troupe néerlandaise a établi son campement de tentes à Nospelt et profite de l’ambiance de camping après les laborieuses journées de fouilles.

«Nous sommes en général 25, voire 30, mais le week-end, quand on fait la fête, on est 45», rigole José Salhi. Si ces derniers font près de 250 kilomètres depuis leur ville de Herenstraat, c’est aussi parce que «nous n’avons pas de tels sites romains aux Pays-Bas».

«C’est un endroit exceptionnel en Europe», confirme Jacques Bonifas, membre du groupe de l’abbé lorsqu’il était adolescent. Ce dernier rappelle d’ailleurs que «la section archéologique du musée national d’Histoire naturelle a été créée après la découverte du site tellement c’était important».

De la «Terra Sigillata» (céramique romaine de luxe) et une perle de verre ont notamment été trouvées lors du camp de cet été.

Comme cet été, des trouvailles (perle, céramique) ne cessent de s’ajouter à la collection de vestiges de ce site aux limites encore inconnues. «On pense que cela va au moins jusqu’au champ de maïs, au fond du terrain», pointe du doigt le président de l’ASBL.

«Il reste encore beaucoup de mystères.» Des bâtiments secondaires, un portail d’entrée et une supposée nécropole restent encore à être identifiés. De quoi nourrir encore durant de longues années l’appétit des archéologues amateurs du Luxembourg et d’ailleurs.

Georges Kayser, abbé et archéologue

Né en 1916, Georges Kayser était un homme d’Église féru d’histoire. Après avoir fouillé l’oppidum du site du Titelberg à Pétange, sa commune d’origine, il décide de fouiller les environs de Nospelt lorsqu’il y arrive en tant qu’abbé.

Avec des volontaires, il se rend en 1964 dans la forêt «Miecher», pensant examiner un «tumulus» (butte qui recouvre des tombes).

Les archéologues amateurs tombent finalement sur les vestiges d’une villa romaine. Une découverte majeure suivie, un an plus tard, par celle d’une tombe du dernier siècle avant Jésus-Christ.

L’équipe de l’abbé vient alors de mettre au jour une nécropole aristocratique et du mobilier gaulois. À son décès en 1988, Georges Kayser laisse derrière lui un site d’archéologie majeur ainsi qu’une bande de passionnés qui reprendra le flambeau avec l’ASBL qui porte son nom.

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