On tire souvent à vue sur les viticulteurs, gros consommateurs de produits phytopharmaceutiques. Mais ce qui était vrai ces dernières décennies l’est de moins en moins aujourd’hui. Force est de constater que le Grand-Duché fait figure de modèle en la matière.
Depuis 2017, la profession utilise systématiquement le principe de la « confusion sexuelle » dans les vignes. Une technique qui empêche la prolifération des deux espèces de vers nuisibles au vignoble. Ce choix va être inscrit définitivement dans la charte de l’Appellation d’origine protégée (AOP). Le Luxembourg est le premier pays à avoir franchi ce pas qui permet, hors exceptions, de ne plus pulvériser d’insecticide dans les vignes.
Plus efficace que les pulvérisations…
Dans les faits, cela fait un an que la totalité du vignoble luxembourgeois est équipée de ces petites capsules qui diffusent des phéromones de cochylis et d’eudémis, les deux variétés de papillons qui pondent leurs œufs dans les vignes et dont les vers se nourrissent de raisins. «Le cochylis est présent depuis toujours chez nous, mais l’eudémis a été observé pour la première fois en 2014, souligne Serge Fischer, chef du service Viticulture de l’Institut viti-vinicole de Remich. Normalement, ce papillon aime les climats chauds et il est très présent dans le bassin méditerranéen. Le voir chez nous est un indice supplémentaire du réchauffement climatique.»
Bonne nouvelle, l’opération n’est pas beaucoup plus chère que la pulvérisation. D’autant que l’État a décidé de la subventionner généreusement : à 197 euros l’hectare, l’aide couvre pratiquement l’intégralité des coûts (hors pose). Qui plus est, l’efficacité des capsules est bien meilleure : «Pour bien pulvériser, il y a beaucoup de contraintes, explique Serge Fischer. D’abord, il faut piéger les papillons pour les compter. Ensuite, il faut suivre l’évolution des températures pour estimer la date d’éclosion des chrysalides et traiter au bon moment. Cela peut se jouer au jour près.»
… et plus simple d’utilisation
Autrefois, soit on utilisait des insecticides ovicides qui touchaient les œufs – si tant est que le produit ait été bien appliqué (d’où la nécessité d’un effeuillage préalable) –, soit on utilisait des insecticides larvicides qui tuaient les larves avant qu’elles ne pénètrent dans les grains de raisin. Les fenêtres étaient très étroites et même avec la plus grande application, il fallait un peu de chance pour ne laisser aucun foyer.
L’utilisation des capsules est beaucoup plus simple. Elles se présentent sous la forme de petits tubes ou de filaments à fixer sur les fils de fer ou directement sur les branches. Il en faut 500 par hectare, soit une pour 20 mètres de vigne. Pour être efficace, il est impératif qu’elles recouvrent un grand espace (au minimum cinq hectares). La décision des vignerons luxembourgeois d’en placer systématiquement partout est donc la meilleure. Qui plus est, ils disposent d’une fenêtre d’un mois pour les installer, en gros de la mi-mars à la mi-avril, et il n’y a pas besoin de les changer au cours de l’année.
En 18 ans de tests, un seul secteur touché
Si l’utilisation de ce système est généralisée depuis l’année dernière, l’Institut viti-vinicole teste les capsules depuis 2000 et peut témoigner de son utilité. «En moyenne, l’efficacité de la confusion sexuelle est beaucoup plus élevée que celle de la pulvérisation, affirme Serge Fischer. Lors des 18 dernières années, un seul petit secteur a été touché une fois par les vers, vraisemblablement à cause d’une prolifération inhabituelle des papillons dans un lieu donné.»
Ce n’est que dans ce cas de figure que des pulvérisations d’insecticide sont autorisées, sous le contrôle d’un expert. «Cela représente moins de 5 % de la surface plantée.» Et comme plus les années d’utilisation des capsules passent et plus le système est efficace, il y a fort à parier que ce pourcentage continuera de diminuer. Le vignoble luxembourgeois pourrait donc bientôt se prévaloir d’être le premier à avoir exclu totalement les insecticides, un argument marketing de poids pour améliorer sa reconnaissance!
Erwan Nonet.
Et maintenant les herbicides
Après les insecticides, le Grand-Duché veut se passer des herbicides. L’Institut viti-vinicole a testé avec succès un remplaçant du glyphosate composé à base d’acide gras de colza. Ça marche, mais c’est encore cher. Le désherbage mécanique est une autre voie. En janvier, l’institut a organisé une démonstration d’appareils permettant de désherber entre les rangs. Là encore, ce n’est pas donné, mais l’État subventionne. Serge Fischer, toutefois, regarde l’avenir avec optimisme : «Il y a un marché et les fabricants innovent beaucoup parce qu’ils voient que la demande ne cesse d’augmenter. Avec le temps, les prix vont très certainement baisser.»