Après les vignerons, c’était mardi au tour des domaines Vinsmoselle de passer leurs voeux au ministre Romain Schneider. Avec de petites piques en prime.
La coopérative est le plus gros acteur viticole du pays, elle travaille plus de la moitié des vignes de la Moselle et son crémant Poll-Fabaire est de très loin le leader du marché. C’est dire si son avis compte. Son président, Josy Gloden, ne s’est donc pas privé de rappeler que les points de vue de la maison ne sont pas forcément ceux du nouveau programme gouvernemental.
Depuis le vignoble, 2018 sera mémorable pour au moins deux raisons : l’année a été exceptionnelle et les élections législatives ont vu les écologistes s’ancrer solidement au gouvernement. Ces deux évènements, qui n’ont pas grand-chose à voir l’un avec l’autre, portent pourtant des ramifications qui fileront bien au-delà de cette nouvelle année.
Tout d’abord, c’est ce millésime 2018 que nous déboucherons bientôt. «Les vins que nous avons en cave offrent déjà beaucoup de caractère, de la puissance et beaucoup d’arômes : nous en attendons beaucoup!», se félicite le président de Vinsmoselle, Josy Gloden. Des vins qui trouveront très bientôt leur place sur les étals des magasins. «Nous n’avons plus beaucoup de stock et nous allons progressivement commencer à les présenter», explique-t-il. Traditionnellement, la coopérative fait découvrir les vins du millésime précédent le 1er mai, lors de son Proufdag, mais les petites récoltes de 2016 et 2017 ont imposé d’élever le tempo pour éviter les ruptures de stock.
Plus mystérieusement, le vigneron de Bech-Kleinmacher a également avancé qu’il faudrait s’attendre à des nouveautés cette année, «dans le cadre de notre master plan 2024». En 2018, Vinsmoselle a rhabillé ses cuvées Vieilles Vignes et sorti sa nouvelle gamme Vignum, dont les magnums haut de gamme se sont arrachés comme des petits pains. Quelles directions prendront, cette fois, les innovations à venir? Il faudra attendre pour en savoir plus.
«Écrit avec une plume verte »
Mais alors que les discours à l’occasion des voeux sont souvent consensuels, Josy Gloden n’a pas manqué l’occasion d’affermir sa position sur les orientations écologistes du nouveau programme gouvernemental, «dont on voit bien qu’il a été écrit avec une plume verte», a-t-il tancé. «Non, la plume était verte, bleue et rouge!», lui a rétorqué Romain Schneider, le nouveau ministre de l’Agriculture et de la Viticulture, souriant mais ferme sur le coup. Josy Gloden a assuré que les vignerons, pour qui «la nature est le gagne-pain», avaient bien conscience des enjeux concernant la protection de l’environnement. Mais il s’alarme par exemple d’une interdiction brutale et rapide du glyphosate, «alors qu’aucune autre alternative n’existe encore».
L’augmentation des subsides en faveur de la viticulture biologique ne le convainc pas non plus. «Le risque est de se retrouver avec des vignerons qui se lanceront dans le bio uniquement pour toucher plus d’argent de l’État. Le bio est une affaire de conviction et je respecte ceux qui le vivent ainsi, mais si l’argent devient le principal moteur, ça n’a plus aucun sens», clame-t-il. Dans la même veine, il a noté que le programme gouvernemental comptait faire la promotion des PiWi, ces nouveaux cépages issus de croisements naturels qui ne nécessitent presque pas de traitements contre les maladies cryptogamiques que sont le mildiou et l’oïdium. «Je ne crois pas que ces cépages remplaceront de sitôt les anciens, cela restera longtemps un marché de niche et il ne faut pas s’attendre à un grand bouleversement de l’encépagement, même si leur plantation est subventionnée comme c’est déjà le cas aujourd’hui», lance le président. Vinsmoselle n’est toutefois pas fermé à cette évolution puisque la coopérative produit également du vin issu de PiWi : un cabernet blanc en bio. «Nous analysons le comportement des consommateurs et si jamais il y a un engouement, nous en ferons plus, reconnaît-il. Mais pour le moment, je pense que ces PiWi seront surtout intéressants pour composer des assemblages avec les cépages traditionnels.»
Romain Schneider savait bien en venant au centre d’élaboration des crémants Poll-Fabaire de Wormeldange qu’il y trouverait de la répartie. Il a rappelé ce qu’il avait dit la semaine passée aux vignerons indépendants, qu’«il était important que le vignoble s’ouvre aux nouveaux défis que lui imposent les consommateurs, notamment celui de la protection de l’environnement ». Une nouvelle fois, il a rappelé son goût du dialogue et du travail collectif. Au bout du compte, les deux parties ne semblent pourtant pas irréconciliables. «J’ai un peu taquiné le ministre parce que je voulais que ces choses soient dites, souriait un peu plus tard Josy Gloden. Mais je ne suis pas inquiet. Ses réponses ont été bonnes car ce que je ne veux pas, c’est que l’on nous impose quoi que ce soit sans nous demander notre avis. Dans le fond, je suis très content de l’avoir comme ministre. Il connaît la situation et il a déjà démontré entre 2009 et 2013 qu’il savait nous écouter.»
Erwan Nonet