Les vignerons de la Moselle sortent de deux années difficiles en termes de quantité de production. Depuis ces dernières semaines et jusqu’aux vendanges, ils scrutent le ciel et croisent les doigts pour 2018.
Aujourd’hui, la croissance des vignes est repartie et chaque cep compte déjà plusieurs feuilles. Le débourrement, cette première étape qui voit le bois reprendre vie, s’est parfaitement passé. Il faudrait que la suite soit du même tonneau, pour qu’enfin les vignerons puissent se féliciter d’une belle récolte. Ils en ont besoin, les stocks diminuent. Mais dans leur métier, rien n’est simple…
2012 rien n’est simple
L’hiver est froid, il peine à se calmer et la floraison est très tardive. La vigne traînera ce retard à l’allumage toute l’année, les vendanges débutant en octobre après un été des plus humides. Les vignerons ne regretteront pas une année très compliquée qui n’a permis qu’une petite récolte de 85 000 hectolitres.
2013 vendanges pluvieuses
Le printemps est froid et humide, le débourrement est hétérogène et la floraison longue. En conséquence, les grappes sont petites et ne comportent pas beaucoup de baies. Qui plus est, leur maturation n’est pas homogène. Le début d’année est compliqué. Un été correct remet du baume au cœur à la profession qui s’attend même à une belle récolte, on attend jusqu’à 130 000 hectolitres! Las, il pleut lors des vendanges et le botrytis (ce champignon qui prolifère lorsque le temps est chaud et humide) prolifère. Les auxerrois et les rieslings souffrent, les pinots s’en sortent mieux. Mais la récolte reste maigre, les 130 000 hectolitres espérés restent du domaine du rêve, puisque cette année-là, la Moselle en produit 104 000.
2014 année sans été
L’hiver est doux et le printemps idéal. Les Luxembourgeois ont même la chance de leur côté : en juin, la grêle qui martèle les vignes allemandes, juste de l’autre côté de la Moselle, les épargne miraculeusement! Mais l’été est très humide (il pleut pratiquement tous les jours) et plutôt frais. Lors des mois de juillet et août, il tombe 349 litres d’eau par mètre carré : c’est énorme. Avec cette nouvelle donne, la vigne, qui était jusque-là en avance, rentre dans le rang et la pression des maladies cryptogamiques est forte en fin de saison. L’année se termine toutefois mieux que les précédentes : avec 125 000 hectolitres, le bilan est plutôt positif.
2015 un printemps très sec
La sortie de l’hiver traîne un peu, mais la reprise de la végétation a lieu sans problème. Le printemps et l’été sont très secs : 10 l/m² de pluie seulement en mai et 28 en juillet! Les raisins sont petits, à cause du manque d’eau, mais ils sont sains et très concentrés en arômes… Mais à quelques jours du début des vendanges, le ciel s’alourdit et il pleut des cordes. En une semaine, il tombe 100 millimètres d’eau. Heureusement, les nuits sont fraîches et les champignons (botrytis) ne se développent pas trop. Au final, les raisins sont impeccables et la récolte est de 112 000 hectolitres. Ce n’est pas si mal.
2016 gelées, épisode 1
L’année débute très, très mal. Le 23 et le 24 avril, de sévères gelées frappent les coteaux mosellans. Le dernier épisode de cette ampleur date de 1997. Les semaines qui suivent offrent une météo exécrable : froid, pluie… les fleurs s’ouvrent avec près de deux semaines de retard. Il fait tellement moche que les vignes souffrent de chlorose (déficit de fer et de manganèse) à cause du manque de soleil! Un mois de juillet pluvieux (144 litres/m²) a provoqué une envolée des maladies cryptogamiques (dues aux champignons). Les vignerons qui n’ont pas pu traiter à temps s’en mordent les doigts. En août, miracle, le soleil revient. Et même trop puisqu’il brûle les grappes qui le voient de trop près. Des pics de chaleur sont atteints (37 °C à Remich le 26 août) et le sol s’assèche (18 litres/m² en août). Cette fin de saison atypique a permis aux raisins de bien mûrir : la récolte est famélique (82 000 hectolitres, entre 30 et 40 % de moins qu’une année «normale»), mais de qualité. C’est déjà ça.
2017, gelées, épisode 2
Un copier-coller du début d’année précédent : il gèle le 20 avril et les vignerons savent déjà que, quoi qu’il arrive et pour la deuxième année de suite, il manquera pas mal de raisins lors des vendanges. Pour autant, le printemps se déclare juste après. Les premières fleurs apparaissent dès le 31 mai, pratiquement un record : on n’est plus à un paradoxe près… d’autant qu’un orage de grêle a blessé des parcelles du côté de Remich trois jours plus tôt. Le printemps est sec, mais le mois de juillet l’est moins, ce qui a le mérite de faire gonfler les raisins. Un peu trop même, car ils deviennent fragiles, peuvent éclater et offrir le terreau de prédilection des champignons. Là encore, les vignerons qui n’ont pas été attentifs souffrent de très grosses pertes. Les vendanges s’achèvent très tôt (début octobre), mais les rendements sont encore une fois bien bas (82 200 hectolitres). Et pourtant, si l’on oublie les gelées d’avril, tout ne s’était pas si mal passé… Rageant!
Erwan Nonet.