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«Vie naissante» : la subvention qui crée la polémique


Dans les locaux de l’association Vie naissante au Muhlenbach, les mères en détresse trouvent des aides matérielles et une écoute.    

Le Planning familial s’est indigné, les socialistes de la capitale aussi, qui veulent un débat. En cause, une subvention pour Vie naissante, œuvre charitable, mais opposée à l’avortement.

Le désaccord historique profond entre l’Œuvre pour la protection de la vie naissante et le Planning familial a ressurgi la semaine dernière après que le conseil communal de la capitale a octroyé une subvention de 2 200 euros dans le cadre des 50 ans de l’association, réputée pour combattre le droit à l’avortement.

Les partis d’opposition LSAP, déi Gréng et déi Lénk s’y sont opposés et depuis, les deux associations ont repris les hostilités par communiqués interposés.

«Légitimer une position réactionnaire»

Le Planning juge que l’attribution d’un financement public à une organisation «qui, selon ses statuts et les informations reprises sur son site, veut restreindre l’accès à des droits fondamentaux reconnus par la législation luxembourgeoise en matière de santé reproductive, est un précédent dangereux (reconnaissance de la vie dès la conception)».

Il dénonce une décision «qui revient à légitimer une position réactionnaire et contraire aux engagements du Luxembourg en matière de droits des femmes et de santé sexuelle et reproductive».

Vie naissante, créée en 1975 et reconnue d’utilité publique en 2014 sous le gouvernement Bettel-Schneider-Braz, couvre une grande partie des besoins des jeunes femmes, avant et après l’accouchement, en leur accordant une aide matérielle : lait, couches, nourriture, mais aussi des vêtements de grossesse, des vêtements pour enfants et du mobilier de toutes sortes.

«Par année, l’œuvre traite en moyenne 350 dossiers de demandes d’aide», informe-t-elle sur son site. Dans son communiqué, l’association, que préside André Grosbusch, se dit «perplexe» face à  la réaction du Planning, qui intervient auprès des autorités communales pour les convaincre de renoncer à cette subvention, qu’il juge incohérente.

«Féminisme radical»

Des subventions publiques impliquent, selon le Planning familial «une responsabilité collective et doivent être allouées en cohérence avec les principes fondamentaux de santé publique, d’égalité et de respect des droits humains». En réplique, Vie naissante lui rappelle que son objectif n’est pas d’empêcher une femme d’avorter ni de la condamner, «mais de combattre les causes proches et lointaines pouvant la pousser à ce geste irréversible».

Le président André Grosbusch a eu par le passé des prises de position au travers desquelles transpirait son aversion pour le «féminisme radical» qui défend le droit à l’avortement. Au nom de l’éthique, il reconnaît d’ailleurs ne pas admettre une autre position que celle qui défend le droit à la vie qui commence, selon lui, au stade de l’embryon, ce qui n’est pas reconnu d’un point de vue légal.

Les socialistes s’indignent

Les socialistes de la capitale ont annoncé déposer une motion pour une réforme des critères d’allocation des subventions communales, et veulent ouvrir un débat sur les modalités de leur attribution. Le cas de l’association Vie naissante pointe, selon eux, «les insuffisances du système actuel, où les critères d’attribution sont trop vagues et permissifs».

Les socialistes plaident ainsi pour une utilisation cohérente et éthique de l’argent public. Tout en reconnaissant défendre la liberté d’expression, ils estiment que l’octroi d’une subvention équivaut à «envoyer un signal politique et soutenir activement les actions ainsi que les discours de cette organisation».

Le LSAP exige que seules les organisations «agissant dans l’intérêt général puissent bénéficier de fonds publics», et veulent plus de transparence dans les décisions du collège échevinal, y compris celles concernant les refus de subventions.

Aucun dialogue possible

La Ville de Luxembourg alloue chaque année 1 000 euros à Vie naissante et a pour habitude de se montrer plus généreuse lors d’évènements spéciaux comme, par exemple, le jubilé que célèbre l’association cette année. Cette dernière rappelle qu’elle a traité plus de 10 000 dossiers d’aides depuis sa création et assure que les deniers publics seront investis dans cet accompagnement qui s’élève en moyenne annuelle à 65 000 euros.

Elle profite aussi de l’existence de son groupe de consultation, à l’écoute de femmes confrontées à une grossesse non désirée ou difficile, voire à une fausse couche ou un avortement. Vie naissante affirme avoir «vainement cherché le dialogue» avec le Planning familial, mais ce dernier s’est détourné et lui a même refusé de figurer dans son Guide des aides pour la femme enceinte.