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Vera Spautz à propos de Esch 2022 : «C’est une journée noire»


Vera Spautz déplore que la politique prenne à ce point-là le dessus sur les enjeux culturels d'Esch 2022 (photo d'archives : Fabrizio Pizzolante).

L’ancienne bourgmestre d’Esch, Vera Spautz, est très inquiète à propos de la crise qui touche le projet de la Capitale européenne de la culture : jeudi, le conseil d’administration d’Esch 2022 a voté à l’unanimité la non-reconduction des contrats de l’équipe dirigeante.

Vous étiez à l’origine de la candidature eschoise. Quelle est votre réaction à la suite de ce brusque changement de cap, à trois ans et demi de la date fatidique?
Vera Spautz : Dès cette journée où la Commission européenne nous a donné le label de capitale européenne de la culture (NDLR : le 10 novembre 2017), j’étais sûre et certaine qu’Andreas Wagner et Janina Strötgen ne survivraient pas à leurs postes. Les discours des nouveaux élus, mais aussi du ministère de la Culture, ne laissaient pas de place au doute : les pourparlers commençaient déjà.
Comment s’est passée la transition sur ce dossier, à Esch, entre votre équipe et la nouvelle?
Jean Tonnar (NDLR : son ancien échevin à la Culture) et moi avons eu des rendez-vous avec Georges Mischo et Pim Knaff (NDLR : le nouvel échevin à la Culture eschois) et nous avions bien compris que les choses allaient changer. Le contenu d’Esch 2022, qui venait pourtant d’être validé par la Commission européenne, ne leur plaisait pas. À eux mais aussi au ministère de la Culture. Ils nous avaient soutenu lors du vote au conseil communal, c’est vrai. Mais nous savions aussi qu’ils n’auraient pas été déçus si nous n’avions pas obtenu le label européen.

Qui va piloter le projet désormais? Les fonctionnaires, comme en 2007 ?

Êtes-vous inquiète pour le futur d’Esch 2022?
Je ne suis pas surprise, mais il s’agit d’une journée noire pour Esch, pour le Sud et pour tout le pays. Georges Mischo était devant le jury européen lorsque la présidente a dit que le projet devait se poursuivre dans la continuité de ce qui avait été présenté. Qui va piloter le projet désormais? Les fonctionnaires, comme en 2007? Ce n’est pas du tout ce qui a été validé par la Commission!
Pour vous, la politique a pris le pas sur la culture…
Après les élections communales, on a vu beaucoup de personnes s’immiscer dans ce dossier, Roberto Traversini (NDLR : le bourgmestre vert de Differdange, président de Pro-Sud), Dan Biancalana (NDLR : le bourgmestre de Dudelange, ex-président de Pro-Sud)… J’ai remarqué qu’il y avait eu beaucoup de mensonges et beaucoup d’intrigues ces derniers mois. Je n’ai rien dit parce que j’espérais que cela s’arrangerait, mais ça n’a pas été le cas. La seule motivation de tout cela est politique, je suis prête à le signer des deux mains.
Comment voyez-vous la suite?
Je ne pense pas qu’ils savent ce que seront les conséquences. Que va penser le jury lorsqu’il va venir le 20 novembre? Si les nouvelles personnes sont recrutées, que présenteront-elles? Elles n’auront même pas travaillé sur le bid book (NDLR : le livre de route). Ce que Georges Mischo ne comprend pas, c’est qu’il y a un contrat entre Esch 2022 et la Commission européenne. Ils ont reçu le projet sur un plateau en or, il n’y avait qu’à laisser travailler les gens en place pour que ce soit un succès… Cela montre comment le dossier de la culture est traité au Luxembourg. Ils n’ont pas été à la hauteur du dossier, mais maintenant, à eux de prendre leurs responsabilités.

Recueilli par Erwan Nonet.

En France aussi on s’inquiète…

Esch 2022 aura aussi lieu en France, dans la communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette. Alain Casoni, le maire de Villerupt, ne voit pas ces changements d’un bon œil : «Quand on apprend que les personnes qui portent le projet depuis longtemps s’en vont de cette manière, cela peut être déstabilisant… Je ne connais pas tous les tenants et aboutissants, mais je peux témoigner de ma préoccupation pour l’avenir d’un tel projet et de son contenu. Car Esch 2022 revêt une vraie dimension transfrontalière.»