Ejiofor n’a vendu des stupéfiants qu’une seule fois et s’est justement fait attraper ce jour-là. Michel en a acheté à deux reprises et s’est fait attraper à chaque fois.
Ejiofor reconnaît avoir vendu trois boules de cocaïne ou d’héroïne le 9 juin dernier, place de la Gare, à Luxembourg. C’était la première fois qu’il vendait de la drogue, prétend-il. L’homme d’origine nigérienne vit et travaille au noir sur des chantiers à proximité de Madrid, en Espagne, depuis dix ans. À la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, il explique être venu rendre visite à un ami à Longwy en France qui l’a introduit dans le milieu de la drogue. Ejiofor voulait arrondir ses fins de mois entre deux chantiers.
L’homme a été observé par la police alors qu’il remettait une boule à un homme en fauteuil roulant et deux boules à un couple. Le tribunal a dû mal à croire en son histoire. Ses clients ont dit aux policiers que le prévenu leur avait remis la drogue gratuitement parce qu’ils n’avaient pas de quoi payer. «Cela se pratique avec les bons clients», note la présidente. «Vous achetez trois boules et vous les donnez alors que vous venez de dire que vous ne gagnez pas assez d’argent en Espagne.»
« 18 mois, c’est cher payé pour trois boules »
La représentante du parquet est d’avis qu’Ejiofor aurait vendu des quantités indéterminées de stupéfiants dans le quartier Gare depuis au moins le mois de mai dernier. Elle a retenu les chefs d’inculpation de vente, de transport de stupéfiants pour autrui ainsi que de blanchiment de l’argent issu de la vente et a requis une peine de 18 mois de prison à l’encontre du prévenu.
Me Says, son avocat, estime que «18 mois, c’est cher payé pour trois boules. Ceux qui tombent pour en avoir vendu une trentaine, doivent trembler». Il demande au tribunal de ne retenir qu’une période de temps d’une journée et les trois ventes uniquement. «Nous n’avons pas de preuve formelle que mon client a vendu de la drogue avant le 9 juin, si ce n’est la déclaration imprécise d’un toxicomane», avance l’avocat. Un des deux hommes avait indiqué avoir acheté des stupéfiants au prévenu deux jours plus tôt et de manière régulière depuis quelque temps.
«Il n’a plus commis d’infraction depuis les faits et il est revenu d’Espagne pour régler cette affaire. Il n’a pas de passé criminel», ajoute Me Says qui demande à ce que le tribunal prononce un sursis intégral ou une peine largement inférieure aux 18 mois requis. Le prononcé est fixé au 12 janvier 2023.
L’instruction mise sur pause
Michel fume du cannabis. Beaucoup de cannabis. «Pour dormir et calmer le stress» des stigmates d’une vie compliquée. Le trentenaire n’a pas de chance : à chaque fois qu’il va acheter de la drogue pour sa consommation personnelle, il se fait arrêter par la police. Le 4 novembre 2020, il se fait pincer dans la voiture de son coprévenu, absent hier, avec 98 grammes de cannabis cachés sous le siège passager. Le 3 février dernier, ce sont une centaine de grammes de cannabis qui sont retrouvés dans la voiture de sa petite amie sur l’aire de Pontpierre. Il reconnaît les avoir achetés à trois Africains rue du Fort-Neipperg.
Michel, qui comparaissait dans ces deux affaires pour vente de stupéfiants ou mise en circulation à titre gratuit de cannabis, transport pour autrui et blanchiment, s’en tient à sa version des faits. Il consomme beaucoup. Ce que la présidente de la 13e chambre correctionnelle a énormément de mal à croire. «Vu les quantités, il est difficile de vous croire. En plus, la consommation de stupéfiants n’est pas légale», lui rappelle-t-elle.
« On ne se trimballe pas avec 100 grammes de cannabis »
Elle a également du mal à croire que le jeune homme venait de région parisienne avec plus de 2 000 euros en poche pour acheter des cadeaux de Noël à la Cloche d’or en novembre 2020. «Vous nous dites que vous n’avez plus travaillé depuis 2016.» Et d’ajouter : «Quand allez-vous comprendre qu’on ne se trimballe pas avec 100 grammes de cannabis?»
Le prévenu rejette toute faute. Également d’avoir extorqué à l’aide de menaces le smartphone d’un jeune homme qui lui devait de l’argent le 11 juin 2021 à Pétange. L’ancienne compagne de la victime présumée évoque 550 euros de dettes contractées en achetant de la drogue. Le jeune homme qui fait office de témoin principal ne s’étant pas présenté à l’audience, le parquet et le tribunal ont décidé d’interrompre l’instruction et de la remettre au 6 janvier 2023. Le témoin défaillant a été condamné à une amende de 500 euros. Le parquet ayant demandé la jonction des trois affaires, le réquisitoire et le plaidoyer auront lieu dans deux semaines.