C’est officiel depuis une semaine: la plus ancienne banque du pays est passée entre les mains d’un nouvel actionnaire chinois, Legend Holdings.
Ce changement d’actionnariat soulève quelques questions importantes :nature de la banque, opération gagnante ou non pour le vendeur et l’acheteur, impact sur l’emploi. Le Quotidien y répond.
C’est l’événement qui a agité le petit monde financier luxembourgeois au début du mois. Après des semaines de négociations, la société d’investissement chinoise Legend Holdings Corporation a repris les 90 % des parts de la plus vieille banque du pays, la Banque internationale à Luxembourg (BIL), aux Qatariens de Precision Capital. Les 10 % restants demeurent entre les mains de l’État, l’actionnaire minoritaire. La BIL a une particularité que d’autres établissements de la place financière n’ont pas. Elle fait partie de la catégorie des banques «systémiques».
Qu’est-ce qu’une banque systémique?
Il s’agit d’un établissement dont les activités sont à la fois importantes et variées. Une faillite hypothétique aurait des effets très négatifs sur la finance mondiale. En septembre 2014, la Banque centrale européenne avait publié la liste des banques placées sous sa supervision directe dans le cadre du mécanisme de surveillance unique. Pour le Grand-Duché, cinq banques sont concernées : la Banque et Caisse d’épargne de l’État (BCEE), la BIL, la KBL et ses filiales, RBC Investor Services Bank, la branche luxembourgeoise de l’américaine State Street Bank. UBS Luxembourg ferme la marche. Toute transaction portant sur elles doit être approuvée par deux organismes : le Conseil de surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne de Francfort et la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), le régulateur de la Place, comme le veut la procédure pour une banque de ce type.
Precision Capital a-t-elle fait une bonne opération?
La réponse est oui! L’entreprise a vendu ses parts pour la coquette somme de 1,484 milliard d’euros. Precision Capital aurait fait une sacrée plus-value, puisque en 2012, elle les avait acquises pour 730 millions.
Est-ce une bonne affaire pour Legend Holdings?
Une fois encore, la réponse est oui. Après la période Dexia, sous l’ère qatarienne (entre 2012 et 2016), la BIL a bien redressé la barre. Ses revenus opérationnels ont grimpé de 20 % pour atteindre 505 millions d’euros. Le profit opérationnel a augmenté de 57 % à 124 millions d’euros. À l’époque de l’annonce officielle du rachat des parts, Liu Chuanzhi, le fondateur et président de Legend Holdings l’avait clairement dit : «Les actifs, le potentiel de croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices ainsi que la stabilité de l’activité de la BIL sont autant d’éléments qui répondent aux critères de Legend, dont la stratégie repose sur des actifs piliers.»
Qu’est-ce que le plan stratégique BIL 2020?
Lancé fin avril 2015, le plan BIL 2020 a «l’ambition de renforcer sa position de banque multimétier de référence en matière d’innovation et d’orientation client au Luxembourg et sur un nombre défini de marchés à l’international, grâce au savoir-faire et à l’engagement des collaborateurs», avait affirmé la banque à l’époque dans le communiqué de presse de présentation. La grande question aujourd’hui est de savoir si ce plan va perdurer en l’état ou si le nouvel actionnaire majoritaire voudra y mettre sa patte, même si apparemment Legend Holdings veut «préserver et investir dans le développement de la marque BIL au Luxembourg, en Europe et à l’international».
Qu’en est-il de l’emploi?
Lors de l’annonce du rachat, la question du maintien de l’emploi a tout de suite été soulevée par les syndicats. Car changement d’actionnaire va parfois de pair avec licenciements.
Bien que le gouvernement ait obtenu la garantie qu’il n’y aurait aucun plan social dans les trois ans suivant la reprise et que l’actionnaire chinois ait annoncé qu’il souhaitait «investir dans le personnel de la BIL, soutenir l’emploi et proposer des opportunités de carrière à l’international», les organisations syndicales restent inquiètes. L’OGBL-SBA, le LCGB-SESF avaient demandé une entrevue avec le comité de direction de la banque et avec le ministre des Finances. La branche banques et assurances de l’OGBL s’est montrée «satisfaite de la volonté de l’État de préserver la continuité au sein de la BIL». Laurent Mertz, secrétaire général de l’ALEBA, a affirmé, vendredi, qu’il fallait «travailler dès à présent sur un plan de maintien dans l’emploi ». Il faut préciser que la BIL emploie, selon le Statec, 1 940 personnes. Elle est la deuxième grande banque en termes d’employés derrière la BGL BNP Paribas (3 830).
Et la KBL, que se passe-t-il pour elle?
L’ex-banque sœur de la KBL ne sera pas «affectée» par l’accord avec Legend Holdings. Comme l’a assuré George Nasra, le PDG de Precision Capital : «Nous resterons engagés à soutenir la stabilité et la croissance sur le long terme de KBL epb.»
Aude Forestier