Le musée du Cycle, situé à la frontière belgo-luxembourgeoise à Weyler, est un voyage extraordinaire. Philippe Tibesar l’a bâti avec la force des rêves du gamin qu’il était, passionné de vélo.
Son musée raconte l’histoire du vélo aux Trois Frontières : Arlon, le Luxembourg, la Meuse française… Dans ce coin de l’Europe, parler de vélo, c’est évoquer un mythe. Les ouvriers allaient en vélo, il fallait savoir bricoler sa «bécane», les jeunes enfourchaient des bêtes de course pour voler de leurs propres ailes; c’est dans cet élan que Philippe Tibesar, bien connu au Grand-Duché pour ses postes à responsabilité chez Cactus, a acquis son premier modèle.
Un Sauvage-Lejeune de 1965, rouge vif, qui trône aujourd’hui dans son musée de Weyler, à un jet de pierre de Steinfort. « J’avais 14 ans , se souvient-il. J’avais économisé deux ans et je ne pouvais pas me payer mon vélo! Ma maman avait fini par mettre au bout. Je ressemblais à un coureur de l’équipe Pelfort SL, j’étais fier comme tout .» Trois mille cinq cents francs belges à l’époque, 87 euros aujourd’hui : voilà le plus gros trésor du gamin.
Vacances en France, premier exploit
Depuis Weyler, l’adolescent se lance à l’assaut des cols «hors catégorie» du coin. « J’avais des cousins en Meuse française, du côté de Nouillonpont. On allait passer les vacances chez eux. Pour mes 15 ans, j’étais parti en vélo. Je me souviendrai toujours de la côte Longwy-Bas / Longwy-Haut comme d’un premier exploit. » Et puis, arrivé du côté de Longuyon, il tombe sur un panneau «Virton : 20 km». « Quelle déception! J’avais l’impression d’avoir traversé la France… »
La passion du vélo ne le lâchera plus jamais. Jusqu’à enchaîner des courses relevées, croisant quelques grands champions, comme le Dudelangeois Roger Gilson. « Le monde du vélo était beaucoup plus vivant au Luxembourg, avec des compétitions âprement disputées. » Une fois sa carrière entamée chez Cactus, le Belge n’a plus couru en club. Au milieu des années 80, il se lance dans un challenge fou : bâtir un musée du vélo chez lui, à Weyler.
« J’étais tombé sur un collectionneur épatant, lors d’un voyage en Suisse. J’ai réalisé que beaucoup de belles pièces dormaient dans un grenier .» Il fait son premier gros coup chez un ferrailleur d’Arlon, pour une bouchée de pain. « C’était un NSU (modèle allemand réputé) de 1910! » Puis deux vélos à l’abandon chez un particulier. L’un datait de 1906, avec un guidon en moustache… « Les premiers vélos du Tour de France, rien que ça .»
Le musée de Philippe Tibesar, qu’il a bâti de ses propres mains, s’étale sur 350 m 2 . Il n’a jamais reçu le soutien d’un acteur public. Quel dommage, alors que le Luxembourg s’était un temps positionné pour installer sa collection dans un projet ambitieux, à la place de l’actuelle Rotonde… « Un musée en même temps qu’un centre d’apprentissage du vélo .»
Philippe Tibesar a en revanche toujours eu la ferveur du public. Lors de l’inauguration, en 1992, tous les coureurs luxembourgeois pros, à l’exception de Kim Kirchen, s’étaient déplacés. « On n’avait même eu Criquielion, le meilleur Wallon du monde derrière Eddy Merckx, comme chacun le sait. » Après bientôt 25 ans d’existence, le musée est à pleine maturité. « Je fais les visites moi-même, je l’enrichis encore… La dernière fois, j’ai eu des Canadiens qui avaient fait un détour de 200 km pour le visiter .»
Hubert Gamelon
Musée du Cycle, 44 rue de Stehnen, Weyler (Arlon). Sur rendez-vous. Tél. : +32 (0)63 21 72 03.
Des raretés, des pièces sauvées…
Le musée du Cycle comporte 250 vélos qui ont marqué leur époque, ainsi que nombreuses pièces rares.
Les cinq salles retracent l’histoire du vélo, de l’invention de la draisienne au vélo de course, en passant par le développement du vélo de loisirs. Un voyage extraordinaire! Plus de 250 vélos sont exposés, sans compter les nombreuses pièces : premier casque, premier modèle de dérailleurs, vieux bidons d’huile, maillots de légende… « J’ai sauvé de la poubelle une collection de Bim Diederich (champion originaire de Pétange), raconte Philippe Tibesar. Sa femme voulait les jeter à cause des « trous de mite »… »
Parmi les pièces insolites, on admirera par exemple le vélo à rétropédalage de la Manufacture de Saint-Étienne : deux plateaux étaient disposés en sens opposé. En montée, il suffisait de rétropédaler pour passer sur le petit plateau! Autre curiosité, les premiers antivols, durant la Seconde Guerre mondiale. Le guidon s’enlevait facilement, et le conducteur allait boire son verre avec! Enfin, sachez que le vélo fut taxé par une vignette (comme une voiture, quelle idée rétrograde aujourd’hui…) dans de nombreux pays. En Belgique, de 1893 à 1991, et le musée les possède toutes!
le musée peut-il être visité par moi ce week-end le 22 – 23 ou 24 mai ?). Je viendrais seul
Je viens de Gand.