La députée socialiste a déposé une motion en décembre dernier, discutée en commission, pour réformer en profondeur la législation sur les ventes en état futur d’achèvement. Urgence.
«Nous assistons à des faillites en chaîne», observe la députée socialiste et ancienne ministre, Paulette Lenert en rappelant les derniers déboires des promoteurs, forcés d’abandonner les chantiers et, par la même occasion, les acheteurs qui se retrouvent désemparés. En décembre dernier, la députée avait déposé une motion bien accueillie par l’ensemble des partis, disposés à en discuter en commission.
Cette motion, destinée à mieux protéger les acheteurs de logements neufs, propose un certain nombre de changements dans la législation. «C’est déjà une bonne chose d’en discuter en commission, mais la ministre de la Justice, Elisabeth Margue, nous dit aujourd’hui qu’elle va mettre en place un groupe de travail pour étudier la question», explique Paulette Lenert qui souligne le caractère urgent du problème lié aux ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA).
Elle a proposé une dizaine de changements législatifs vu les surcoûts importants qu’entraîne le retard dans la livraison du logement qui plonge tout le marché du neuf dans un climat de méfiance. Les faillites qui s’accumulent dans le secteur de la construction aggravent encore la situation. «Les garanties d’achèvement ne fonctionnent pas de façon optimale», constate Paulette Lenert qui énumère les problèmes récurrents dans ce domaine. Les garanties décennales ne sont pas non plus proposées par tous les constructeurs, alors que cela devrait être une obligation.
Il s’agit de réformer la loi en profondeur et la députée aimerait «mettre un peu de pression», pour que les choses bougent rapidement. «Le gouvernement est en place depuis un an et demi et j’ignore combien de temps encore il va falloir attendre», insiste-t-elle, tout en sachant qu’un groupe de travail qui se met seulement en place aujourd’hui ne va rien produire avant longtemps. «Quand on connaît les intérêts qu’entraîne un crédit-pont, c’est terrible pour les acheteurs », dit-elle encore.
Dans le cas d’une crise, comme celle que vit le Luxembourg pour la première fois dans le secteur, il faut réagir vite. Le courtier en assurances et réassurances, Eurocaution SA avait adressé une note au formateur du gouvernement en octobre 2023 dans laquelle il proposait des changements législatifs. On retrouve en grande partie ces idées dans la motion déposée par Paulette Lenert en décembre dernier.
Hors la loi
La première chose à faire est d’élaborer et d’introduire un cahier des charges standardisé, détaillé et obligatoire pour garantir une meilleure transparence et protéger les acquéreurs contre des coûts supplémentaires imprévus. Il faut interdire les clauses d’indexation automatique des prix dans les contrats VEFA. Lors de la dernière réunion de commission, certains députés ont affirmé avoir entendu parler de cas dans lesquels les vendeurs retardaient l’envoi de factures justement pour pouvoir appliquer une tranche d’index supplémentaire.
La députée socialiste suggère aussi d’apporter plus de précision et de contrainte au niveau du délai de livraison en exigeant de déterminer dans le contrat la date du début des travaux, le délai d’exécution ou de livraison ainsi que les dommages-intérêts pour retard d’exécution ou de livraison. «Les dommages-intérêts devraient correspondre ou moins à un loyer normal du bien achevé», explique Paulette Lenert.
Elle insiste aussi sur l’obligation pour le vendeur de souscrire à une assurance responsabilité civile décennale pour protéger les acquéreurs contre les défauts ou malfaçons qui seront décelés dans un délai de 10 ans après la réception du logement. Pour déclencher une nouvelle tranche de paiement, il faudrait exiger une certification des travaux déjà réalisés, faite par un architecte ou une autre personne qualifiée.
Dans le même ordre d’idée, il serait plus qu’utile de mettre en place une unité de contrôle pour rechercher et constater les infractions à la loi dite VEFA et à ses règlements d’exécution. «La Belgique l’a déjà fait», précise la députée.
«C’est le genre d’argument facile»
Ce qui lui semble d’une importance capitale, c’est d’étendre la garantie de remboursement de façon à couvrir non seulement les versements déjà effectués pour travaux, mais également la valeur intégrale du terrain. «Ce n’est pas le cas actuellement et quand on connaît le prix des terrains, c’est un minimum », ajoute-t-elle.
Dépoussiérer les textes législatifs, c’est aussi modifier le règlement grand-ducal qui date de 1977 pour permettre également aux entreprises d’assurances de délivrer des garanties d’achèvement. «Actuellement, seules les banques ont cette prérogative», déplore la députée. Elle estime que les idées sont assez claires et fait pression sur le gouvernement, pour qu’il se positionne, d’ici deux mois. «La ministre de la Justice craint que cette réforme qui sont des contraintes supplémentaires pèse sur les prix de l’immobilier, mais c’est le genre d’argument facile», estime Paulette Lenert, rappelant que ce sont les acheteurs qui trinquent en cas de gros problèmes.
La députée a pu rencontrer les acteurs de terrain avant de rédiger sa motion. «Même si la Chambre immobilière ne va pas se lever et applaudir, j’ai quand même le sentiment qu’une réforme amènera plus de sécurité, et surtout une égalité entre les prestataires, parce qu’il y a quand même des moutons noirs et tout n’est pas toujours fait dans la légalité», insiste-t-elle. Elle se dit malgré tout satisfaite de l’accueil plutôt favorable de la motion par la majorité. Maintenant, il s’agit de ne pas traîner pour mettre en place la réforme nécessaire. Les déboires à répétition des constructeurs et promoteurs lui donnent raison.